Anonyme
Monsieur de La Palisse
Messieurs, vous plaît-il d'ouir L'air du fameux La Palisse ? Il pourra vous réjouir, Pourvu qu'il vous divertisse. La Palisse eut bien peu de biens, Pour soutenir sa naissance; Mais il ne manqua de rien, Tant qu'il fut dans l'abondance. Bien instruit dès le berceau, Jamais, tant il fut honnête, Il ne mettait son chapeau, Qu'il ne se couvrit la tête. Il était affable et doux. De l'humeur de feu son père Et n'entrait guère en courroux, Si ce n'est dans la colère. Ses valets étaient soigneux De le servir d'andouillettes, Et n'oubliaient pas les oeufs Surtout dans les omelettes. De l'inventeur du raisin Il révérait la mémoire; Et pour bien goûter le vin, Jugeait qu'il fallait en boire. Il disait que le nouveau Avait pour lui plus d'amorce; Et moins il y mettait d'eau Plus il y trouvait de force. Il consultait rarement Hippocrate et sa doctrine, Et se purgeait seulement Lorsqu'il prenait médecine. Il aimait à prendre l'air Quand la saison était bonne, Et n'attendait pas l'hiver Pour vendanger en automne. Il épousa, ce dit-on, Une vertueuse dame; S'il était resté garçon, Il n'aurait pas eu de femme. Il en fut toujours chéri; Elle n'était pas jalouse; Sitôt qu'il fut son mari, Elle devint son épouse. D'un air galant et badin, Il courtisait sa Caliste, Sans jamais être chagrin Qu'au moment qu'il était triste. Il brillait comme un soleil, Sa chevelure était blonde; Il n'eût pas eu son pareil, S'il eût été seul au monde. Il eut des talents divers; Même on assure une chose : Quand il écrivait des vers Il n'écrivait pas en prose. Il voyageait volontiers, Courant par tout le royaume; Quand il était à Poitiers, Il n'était pas à Vendôme. Il se plaisait en bateau, Et soit en paix, soit en guerre, Il allait toujours par eau, Quand il n'allait pas par terre. Il choisissait prudemment De deux choses la meilleure; Et répétait fréquemment Ce qu'il disait à toute heure. Il fut, à la vérité, Un danseur assez vulgaire; Mais il n'eût pas mal chanté, S'il n'avait voulu ce taire. Regretté de ses soldats, Il mourut digne d'envie; Et le jour de son trépas Fut le dernier de sa vie. Il mourut le vendredi, Le dernier jour de son âge; S'il fût mort le samedi, Il eût vécu davantage. |