Pierre Gringo(i)re

dit Vaudemont

(1475?-1538?)

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Le Blazon des Hérétiques
(1524)

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Extraict des Registres de Parlement.

Sur la requeste baillee par Phelippe Le Noir relieur iure en luniversite de Paris. Par laquelle il requeroit luy estre permys exposer en vente vng petit liure intitule le Blazon des Heretiques et que deffenses fussent faictes a tous libraires ïmprimeurs et aultres quil appartiendra de ne imprimer ne exposer en vente ledict liure jusques a deux ou troys ans sur certaines grosses paines et damende arbitraire. Veu par la Court ladicte requeste a laquelle ledict liure estoit attache. Et tout considere. Ladicte Court a permys et permect audict Le Noir suppliant de faire imprimer et exposer en vente ledict liure intitule comme dict est le Blazon des Heretiques jusques a vng an tant seullement. Pendant lequel temps icelle Court fait deffenses a tous imprimeurs libraires et aultres quil appartiendra de ne imprimer ne vendre icelluy liure sur paine de confiscation desdictz liures et damende arbitraire. Faict en Parlement le vingt vngiesme iour de decembre lan mil cinq cens vingt quatre.

Collation est faicte.     Ainsi signe F. DU TILLET.


LA DESCRIPTION
FIGVRE OU EFFIGIE
DE LHERETICQVE.


   DE tous estatz lhereticque veult estre
Maistre et seigneur pour humains deceuoir
Son effigie a tous peult apparoistre
Difficile est et tresfort a congnoistre
Voullant en mal apliquer son scauoir
   En gibeciere on luy voit ratz auoir
Qui sont rongeans et serpens detestables
En son giron faisant mords diffamables
De son sain sort ung aspre feu vollant
Qui cueur et corps et liures est bruslant
   Et fault noter ces trois choses dernieres
Remunerer leur maistre coustumieres
En la parfin selon leur naturel
Soit temporel ou espirituel
Apres que ont fait choses irregulieres
Comme chacun le peult apparceuoir
Lhereticque est subtil a deceuoir
Les simples gens et sugect a debatre
Contre les fors et puissans pour abatre
Et esbahyr gens non clercz par ses dictz
Oultrecuidez esmeuuent contredictz.

ESPITRE adressant a tres illustre tres hault et tres redoubte prince Anthoine duc de Calabre Lorraine : et Bar Marchis Marquis de Pont presentee audict prince et seigneur par Pierre Gringoire dict Vaudemont son herault darmes compilateur dicelle.

Ne tesbahys mon seigneur et mon maistre
Si heresie en leglise vois mectre
Par gens nommez lutheriens peruers
Voullans la foy Iesus mettre a lenuers
Car ce permect providence diuine
Afin que les fidelles par doctrine
Et vrays crestiens soient plus astus scauoir
Les sainctz esperitz et faire leur deuoir
De expulser hors heresie erronicque
Pour obuier a sa faulce trafficque
Qui ses seruans de grace Dieu desuoye
Te aduertissant que la premiere voye
Qui tent venir par sotte abusion
A heresie est la presumption
Du propre sens de lhomme qui pense estre
Trop saige et cler de soy mesures et congnoistre
Plus quil ne doit la diffinition
De heresie est nommee erection
Dhomme qui veult par subtille maniere
Oppinion tenir particuliere
En delaissant doctrine des recteurs
De militaire esglise et sainctz docteurs
Oultre le sens du sainct esperit entendre
Comment aussi qui nourrist et engendre
Ou ensuyt faulse et folle intencion
Noualite destrange oppinion
Pour son prouffit particulier ou gloire
Plus que nul aultre est mys au repertoire
Des pertinax nonobstant ses argus
   Le premier fut nommé Symon Magus
Du temps Neron qui fist tres dure guerre
Contre le bon et deuot pape Pierre
Qui le banist dauec luy et mauldit
Publicquement pour cause qui vendit
Comme giez du sainct esperit la grace
Dont scimonie a prins non et race
Qui regne encore ses faitz sont trop congneuz
   Menandrians aussi sont souruenuz
En soustenans par dictz a nous estranges
Que les sainctz cieulx ont este par les anges
Faictz et bastitz ce qui est incertain
Car ung Dieu seul les a Faictz de sa main
Lequel peult tout comme il veult humains guyde
   Vng hereticque appelle Basilide
Dist que Iesus lequel se estoit offert
Mourir pour nous nauoit en riens souffert
Dessus sa croix. Mais de telle cautelle
Fut convaincu peine endura mortelle
Voullant purger le mal que fist Adam
   Vng Nicolas fut en Iherusalem
Durant le temps du martir sainct Estienne
Par mariage eust vne femme sienne
Qui belle estoit mais il en ordonna
Si laschement que a tous lhabandonna
En soustenant que naturel ouuraige
Doit commune estre a tous en mariage
Sans espargner femme ou fille daultruy
   Ses aliez et consors auec luy
Sont appellez et ditz nicolaistes
Et condampnez de leurs erreurs mauldictes
En leur prouuant que on ne doit faire ainsi
   Vindrent apres gens nommez goustici
Eulx disant estre expers par excellence
Plus que nul aultre en parfaicte science
Ont voulu prendre et auoir vng tel nom
Pour augmenter et croistre leur renom
En alleguant contre saincte escripture
Et soustenant lame estre vne nature
En Dieu faignant que le mal et le bien
Est tout en Dieu mais leur subtil moyen
Fut trouue faulx plain de venin et raige
Et que fol est qui cuyde estre trop saige
Gens moderez sont repetez sciens
   Aultres nommez les carpocraciens
Dirent Iesus filz de la vierge Marie
Seullement homme et ne dhomme et femme
En denyant ses diuines vertus
   Vng aultre fut appelle Cherintus
Cherisiens ses consors dictz estoient
Qui en publicque et segrect obseruoient
A leur pouoir la circonscision
Disans que apres la resurrection
Nous serions en volupte charnelle
Encore mille ans la verite nest telle
Du sainct esperit ne sont praticiens
   Nazarei et ses nazariens
Le filz de Dieu dirent et confesserent
Mais de la loy crist de tous pointz delaisserent
En obseruant et gardant seullement
Pour leur plaisir lancien testament
Et nostre foy nouuelle denyerent
   Aulcuns apres offites sappellerent
Pour vng serpent que on nommoit ainsi
En ladorant et luy criant mercy
Voullant prouuer par leur inscipience
Que le serpent de vertus congnoissance
En paradis a mise il nen en est rien
   Sur rang se mist le fol Valencien
En lan de crist cent et quarante quatre
Delibere de nostre foy abatre
En soustenant quant crist se transporta
Du ciel ca bas que son corps aporta
Faict et forme en la maniere comme
On le voit naturel et pur homme
Et que cestoit com par fustulle ou canal
Passe dedans le ventre virginal
De lhumble vierge et tees saincte pucelle
Sans auoir prins substance et chair en elle
Mais le meschant en erreur obstine
Fut conuaincu et par droict condampne
Et repute fol inepte hereticdue
Par Yginus grec pape catholicque
Qui de lerreur fut prudent correcteur
   Aulcuns aussi dirent le créateur
Auoir este vng ange laudatoire
Denyant crist filz de Dieu estre en gloire
Telles gens ont de appellites le nom
   Incontinent se esleua Marcion
Grant philosophe et les marcionistes
Ses aliez qui contre loix escriptes
Ont soutenu deux dieux en leur sermon
Lung seullement iuste estre et lautre bon
Cest assauoir que lung estoit propice
A vng chascun faisoit iuste iustice
Et lautre doulx piteulx misericords
Qui pardonnoit tous debatz distords
Mais il fut dit que touchant cest affaire
Correction y estoit nécessaire
   Pour abolir leur erronicque mal
Nouatus prestre a Romme desloyal
Fut conuoiteux de soy faire congnoistre
Pape de Romme et quant ne le peult estre
Son hérésie il voulut reueiller
En soustenant que on deuoit mesler
Choses qui sont diuines et certaines
Couuertement auecques les humaines
Parquoy fut dit lhereticque prescheur.
Apres voulut soustenir que vng pécheur
Quelque bien faict quil feist ou pénitence
Ne fut receu soubz papalle puissance
A obtenir quelque grace ou mercy
   Pape Felix premier regnoit aussi
Se fut du temps Gordian prudent homme
Imperateur premier chrestien a Romme :
Ce Nouatus rommain tres obstine
Fut par soixante euesques condampne
Comme erronicque et de vie coulpable
   Aultre erreur fut folle et irraisonnable
Que vng ygnorant et barbare esleua
Lequel feist tant que douze hommes trouua
Ses aliez et disciples pour dire
Et tesmoigner quil estoit crist : Contredire
Voulut a ce ledit Felix : Parquoy
De plus en plus augmenta nostre loy.
Cest hereticque emply derreur diuerse
Estoyt partout nomme Manes de Perse
   Puis Manichee et ses manicheaulx
Remply derreur comme subtilz et caulx
Dirent aulx clercs qui a eulx disputoient
Que sans doubter deux principes estoient
Lors furent dictz menteurs prophetizans
   Furent aussi cathafriges disans
Pour mieulx couurir leur erreur et falace
Que auoient receu du sainct esperit la grace
Et non les sainctz apostres de Iesus
Mais en la fin par clercs furent confuz
En approuuant leur oppinion sotte
   Tesanus fut homme prudent tres docte
Et clerc expert en grec et en latin
Tandis quil tint loppinion Iustin
Et florissant en la saincte escripture
Apres enfle de sa literature
Vne nouuelle heresie il mist sus
Que augmenta lors vng nomme Seuerus
   Ses sectateurs seueriens se doyeunt
Ainsi nommer qui iamais vin ne boyuent
Abhorrans chair manger pareillement
Et non croyans lancien testament
Voullant nyer resurrection dhomme
Ce fut du temps que pape Pie a Romme
Premier de nom regna tres uertueux
Anthoine aussi empereur dict piteux
   En lan deux cens quarante quatre furent
Rommains sugectz a Deciam que esleurent
Imperateur tres fier fut et cruel
Et des crestiens grant ennemy mortel
Lequel commist choses irregulieres
   Durant ce temps de martirs deux manieres
On pouuoit veoir asprement se eschauffer
Tant de Iesus que de dyables denfer
   Or est ainsi que martirs de crist furent
Les papes sainctz et prelatz qui peine eurent
De soustenir la foy iusques a la mort
Et les martirs du dyable par effort
Voullans auoir la pompe et les delices
Du monde auec richesses auarices
Luxure orgueil se sont euertuez
Lung contre lautre et par ire tuez
   Mais chascun scait que en royaulme et empire
Au temps present on fait encore pire
Aussi martirs du dyable nous voyons
Pour le iourdhui et plus parler noyons
Des sainctz martirs de Iesus qui bataillent
Contre heresie et en son lieu lassaillent
Durant lempire au paruers Deciam
   Apres la mort du pape Fabien
Que Claudius fut empereur bellicque
Contre les Gotz il fut vng hereticque
Subtil en mal nomme Sabellius
Lors pape grec fut Dionysius
   Ce hereticque et dyable voulut dire
Que Iesuchrist nostre maistre et sire
Nestoit le filz de Dieu le createur
Qui fut trouue execrable menteur
Et son erreur de tous poinctz consommes
   Lors Constantin de grande renommes
Apres que on leust imperateur esleu
De tous chrestiens se trouua bien voullu
Car franchement en paix les laissa estre
   Or en son temps estoit pape Siluestre
Qui mains decretz saigement ordonna
Toute heresie et erreur condempna
Et luy sembla Siluestre vng homme ydoine
Pour de sainct Pierre auoir le patrimoine
Ce Constantin imperateur rommain
Luy donna Romme et le mist en sa main
Et Ytallie ainsi que debonnaire
Leglise a de passe fait a faire
   Comme lisons par vng temps a este
Deuotemement viuant en pourete
La dignite saincte et spirituelle
Ne eust pour ce temps que soubz la charge telle
De souffrir mort tant que Siluestre tint
Le bien mondain toutesfoys il le print.
Comme les clercs en sont bien aduertiz
Soubz Constantin qui luy donna gratiz
A celle fin que eglise militante
Prescher la foy Iesus fut plus ardante
   Durant ce temps lhereticque Ariam
Faulx ypocrite aymant bien terrien
La trinite croyoit especialle
Mais lunite nyoit essencialle
Qui affligea leglise en telle sorte
Que faicte fut moins que elle nestoit forte
Car Constantin Constans aussi Constant
Qui furent filz de Constantin le grant
Non comme feist leur pere donnerent
Mais leur empire en troys pars deuiserent
Et firent tant de guerres et assaulx
Denormes faictz et execrables maulx
Que Constantin et Constant demeurerent
En la bataille ou tout honneur laisserent
Ainsi Constans empereur fut tout seul
Les arriens le firent a leur vueil
Parquoy voulut la chrestiente submettre
A leur plaisir qui a mort firent mettre
Plusieurs crestiens. Lors vng consille fut
A Nytia de compte faict y eust
Troys cens dix huit euesques gens notables
Saincts glorieux prudens et charitables
Dont sainct Siluestre auoit faict vng amas
Qui larien rendirent contumax
En sa presence auec son heresie
Comme erronicque et plain de frenaisie
Et firent lors les euesques preditz
Le sainct symbole ou credo que en beaulx dictz
Chantent prelatz et prestres a la messe
   Puis Donatus par cautelle et finesse
Cuydant venir de sa follye a chef
Fist baptizer les crestiens de rechief
Et soustenoit ce mauldict hereticque
Quil ny auoit eglise que Affirique
Voullant tenir crestiens en son lien
   Apres suruint vng nomme Iulien
Qui fust crestien puis moyne plain de vice
Aymant erreur et mondaine auarice
Lequel deuint erronicque enchanteur
Et apostat apres imperateur
   Auguste dict en se efforssant de nuyre
A crestiente et du tout la destruire
Et nonobstant quil y mist paine et cure
Fut corrige par le martir Mercure
Qui le pugnist voire diuinement
Otempereant.au sainct commandement
De lhumble Vierge et mere Dieu Marie
Par le voulloir de trine seigneurie
Ce fut du temps pape Liberius
   Lors se mist sus lheresie Ermonius
Lache de cueur ord et lepreux en ame
Voullant donner au non de Iesus blasme
Lequel fut ne de Vierge humainement
Dist quel nestoit semblable aulcunement
A Dieu le pere en nature et en face
Mais seullement son filz ayme par grace
Qui fut confuz de ce quil soustenoit
   Macedonius hereticque nyoit
Le sainct esperit dire estre egal du pere
Du filz aussi pour telle vitupere.
Que lhereticque aux cueurs humains entoit
Qui contre droict et verite mentoit
Condempne fut par raison legitime
   Durant ce temps fut le deuxiesme scisme
Car le predict Liberius moyens
Voullant trouuer supporter Arrians
Dont fut chasse ainsi comme hereticque
En le expulsant du siege apostolicque
Et par prelatz et docteurs recuse
Comme hereticque Arian abuse
Ainsi acquist par erronicque blasme
Le premier nom de pape a Romme infame
   Durant lempire au temps Archadius
Que a Romme fut pape Anastasius
Pelagius Celestin hereticque
Et Iulien euesque malleficque
Cuydant chrestiens hors de la foy bannir
Publicquement voulurent soustenir
Que lhomme peult bien meriter sans grace
Et que baptesme ou priere quon face
Dedans leglise on ne doit estimer
   Ce heresie a voulu fort blasmer
Sainct Augustin docteur de renommee
Pelagienne en son nom est nommee
Laquelle fut du temps Honorius
Par le decret pape Innocencius
Et le clerge ainsi que en erreur nee
Par sainctz prelatz et docteurs condempnee
Et mesmement tous les erarsiarges
Sans estandars guydons escuz ni targes
Car par science ilz en vindrent a bout
Par le vouloir de Iesus qui peult tout
   Or aduint que durant Boniface
Timoteus pour couurir sa fallace
Disoit Iesus en toute place et lieu
Estre vray homme et le seul filz de Dieu
Mais adioutoit vne faulte maline
En soustenant que nature diuine
Fut conuertie en nostre humanite
   Eraclites contre diuinite
Vne heresie esleua tres mauuaise
Par le parler de sa bouche punaise
En soustenant que tous les hommes nez
Lesquelz estans en mal predestinez
Ne prouifitoit vertueusement viure
   Mais il ne fault vn tel presaige ensuyure
Car en Carthage en veit en appareil
Deux cens dix huyt bons peres en conseil
Ou le docteur Augustin plain de grave
Fut triumphant encontre la fallace
Pelagius et si bien le vainquist
Que en ses erreurs depuis honneur ne acquist
   Nestorius qui Constantinoble eust
Pour euesche faulx hereticque fut
Car il disoit et soustenoit en somme
Que Iesuchrist seullement fut pur homme
Mais le mauldict de lerreur inuenteur
Fut conuaincu comme lache menteur
Et aboly son art et malefice
Aultre hereticdue en nom nomme Eutice
Constantinoble eust en possession
Ainsi que abbe pour resollucion
Fort abuse en sa clericature
Disant que vne mesme nature
Diuinite aussi lhumanite
De Iesuchrist contre la verite
   Au temps Felix quatriesme les Vendailles
Comme Arrians ont faict des choses malles
Contre chrestiens les voullant molester
Et lesloquence a leur pouoir oster
En decouppant et detrenchant leurs langues
Mais non obstant faisoient leurs harengues
En louant Dieu sans perdre le parler
Pour ses beaulx sainetz en publicque reueller
Et que aultre dieu nest requis que on adore.
   Vng hereticdue appelle Theodore
Ayant en soy diabolicque esperit
Dist vng vray dieu estre aultre Iesuchrist
Et que Marie humble Vierge pucelle
Ne fut de Dieu mere pure et ancelle
Mais fut la mere a Iesus seullement
Dont fut confus il mentoit faulcement
En ame et corps est aux saintz cieulx en gloire
Le bon prelat de Yspalanie Ysidore
Desprisa tant fort en faictz et que dictz
Les pertinax hereticdues mauldictz
Son deuoir fist Machomet faire prendre
Qui en Espaigne auoit voullu entendre
Faire vne loy plaine dabusion
Fugitif fut par persuasion
De lennemy lignominieux dyable
Sathan esprit dampne abhominable
Car pour son maistre auoir le desira
Arabiens a sa loy attyra
Disant auoir puissance tres parfaicte
Et quil estoit sainct iuste et vray prophete
Transmis de Dieu. Sergius deuisa
Auecques luy qui sa loy composa
Ou toute erreur et infamye habonde
   Machomet fut vng deceueur du monde
Prophete faulx de Satham messaigier
Et president de antecrist mensongier
Fier et peruers hereticque en couraige
De maufuaistie final monstrant sa raige
Comme enchanteur et prince des larrons
Qui en distord mist princes et barons
Par le moyen de son maistre Satham
   Fut vng second peruers Iheroboam
Qui la pluspart ousta de sa franchise
La grant maison de Dauid cest leglise
Ce Machomet print plaisirs et delictz
Aymer les gens de vertus abolis
Leur commandant de viure en conuoitise
Guerre debatz execrable faintise
Larcins cabatz fraudez charnalite
Ayant amour paix et honnestete
A saincte foy ayant controuersie
Sans tesmoignaige aulcun de prophesie
Et en sa foy ont tenuz sotz mortelz
Signes ne a faictz sainctz supernaturelz
Mais pour enseigne doctrines folles fables
En promettant aux gens irraisonnables
Lords ignorans de viure en volupte
A leur plaisir faisant leur volunte
Liberaulx francs et laisser labouraige
Qui tire a soy commun peuple peu saige
Parquoy le Dieu qui tout scait et entent
Nous a montre que son ire dessend
Sur Machomet et sur ces machomistes
Non voullans croire aux sainctz euangelistes
Ne aux vrays docteurs et saiges zelateurs
Des sainctz esperitz certains expositeurs
Qui par grace ont saine pensee ague
Et si ne veult que sa loy on argue
Car il fist sa constitucion
Sans argumens ne disputation
Disans que par puissance et faictz darmes
Pour soustenir ses assaulx et alarmes
Que hardy vaillant bellicateur
Transmis de Dieu du peuple protecteur
Et non venu pour monstre sa doctrine
Spirituelle et saincte medecine
Mais auoir gens par cens et millions
Pour donner ce que affiert a lyons
Et aux larrons et tirans plains de raiges
Et non a gens qui ont deuotz couraiges
Spirituelz et porteurs de la loy
Car par constraincte on ne peult auoir foy
   Ainsy voit on que Machomet follatre
Et non saichant voulut la loy abatre
De Iesuchrist et nulle reputer
   Apres faillut saigement disputer
Contre vng mauldict hereticque larron
Qui se appelloit Monechelitarum
Disant que crist nostre seigneur et maistre
Comme il voulloit le donner a congnoistre
A vng chascun pour resolution
Ne auoir en soy que vne opperation
Et mesmement riens que vne voulente
Mais luy estant de lennemy tempte
En soustenant ses dictz et vituperes
Par quatre vingtz et dix neuf sainctz peres
Fut mis au renc des hommes non saichans
   Philippe fut au nombre des meschans
Imperateurs qui hereticques furent
Durant son temps les catholiques eurent
Beaucoup de peine et excessifz trauaulx
Car il vouloit comme hereticque faulx
Que on ostast ymages de leglise
En les boutant pour en faire a sa guyse
Comme en la foy des rigle dissolust
Et a Gregoire aussi Leon voulust
Expressement commander telz oultrages
Quil fist destruire ou brusler les ymages
Sans en laisser en lesglise ou palays
   Gregoire dist sont les liures de lays
Et simples gens nont la congnoissance
Des sainctz esperitz resistant par puissance
Contre Leon commandant lopposite
Lors le pouoir de lempire introduicte
En heresie on abatit alors
Par vrays crestiens qui firent leurs effortz
A resister contre leurs heresies
Faisant cesser mauluaises fantasies
Car a bout vint de son intention
Contre heresie et veneration
De ymages est comme du passe faicte
Par icelluy dhereticques la secte
Fut en consille a Romme condampnee
Auec Leon et excommuniee
Et luy ostant rentes imperiales
   Ledit Gringoire appella le roy Charles
Pour acheuer sa louable entreprinse
Par son moyen preserua saincte esglise
A qui lempire auoit eu maintz distords
Les Millannoys ont fait maulx griefz et tortz
Contre raison a lesglise rommaine
En retenant ses biens et son domaine
Eulx rebellans et desobeissans
Durant lespace et temps de deux cens ans
   Mais Federic a tout bien adonne
Qui de Lorraine estoit nacionne
Fut pape esleu et par son bon renom
Estienne dict neufiesme de ce nom
Incontinent que eut papalle puissance
Aux Millannoys fist faire obeissance
A la rommaine esglise comme au chef
De toutes les aultres et de rechef
Il increpa ainsi que magnanime
A lempereur Henry troyziesme crime
Destre hereticque et telle soustenoit
La cause fut car il diuinoit
Lautre priuillege et franchise
Que auoit la militante esglise
Sans voulloir faire honneur a ses consors
   Vne heresie et erreur fut alors
Que Adriam pape en gloire temporelle
Estoit regnant lheresie estoit telle
Que Iesuchrist dirent filz adoptif
De Dieu le pere et mys sur ce estrif
   Felice ayant la voulente mauldicte
Felicienne a depuis este dicte
Que les clers ont condampnee et de faict
Soustindrent crist vray filz de Dieu parfaict
Egal au pere en gloire et en puissance
   Dutemps que Alebart voulu subiuguer France
Souk Boniface huytiesme grefuement
Furent templiers destruictz soubdainement
Dont les plus grans tous esmerueillez furent
Que telz seigneurs si soudaine mort eurent
Et que leur maistre en leur ordre a Paris
Fut lors brusle eulx aussï tous peris
La cause fut pource quilz confesserent
Que sur la croix tressaincte tous cracherent
Le desprisant comme en erreur confis
Obprobre ayans du benoist crucifix
   La Nouarie hercsie esleuee
Par Dulcius son prince fut trouuee
Nyant que crist notre saluation
Fut Dieu et homme apres lasumption
Mais il ne sceut tenir si grande audace
Que on ne congneust sa folie et fallace
Sa femme aussi Marguerite y estoit
Qui telle erreur a tous magnifestoit
En soustenant ses erreurs et malefices
Leurs aliez adherens et complices
Auecques eulx en grant nombre nombrez
Furent tous vifz trenchez et desmembrez
Et puis bruslez sans que nul en eschappe
   Lors regnoit Iehan vingt deuxiesme pape
A Lyon fut vng fort riche bourgeoys
Que par son nom on appelloit Vauldoys
Voulloit laisser biens mondains et praticque
Pour pourete mener euangelicdue
Les poures gens eurent de luy appuy
Vng tresgrant nombre auoit auecques luy
Escripre fist aulcuns liures de Bible
Vulgairement en faisant le possible
De les vouloir au contraire exposer
Comme est requis prudemment les gloser
Car en ce cas fut imbecille et vice
Soy pourforcant a vsurper loffice
Des apostres sainctz princes et veritez
Escripre fist plusieurs auctoritez
Des sainctz docteurs qui ne scauoit entendre
Et les vouloit publicquement apprendre
A vng chascun et prescher en publicque
En deceuant simple peuple layque
Luy ses consors en erreur infectez
Par saiges clercz furent admonnestez
Laisser lerreur ausquelz ilz contredirent
A leur pouoir : car ilz leur respondirent
Que on deuoit mieulx obeyr et seruyr
A vng seul Dieu que aux hommes se asseruir
En mesprisant de toute leur puissance
Prelatz et clercz comme plains dignorance
En eulx disans et nommans plusieurs fois
La tierce rigle au pere sainct Francoys
Et soustenans disans leurs patenostres
Que Iesuchrist mesmement ses apostres
Qui ont vescu endure chault et froit
Ne eurent rien propre en commun ne en aulcun droit
Du sainct esperit le droit leur attribue
Et mainte erreur par prelatz et clercz veue
Parquoy chassez ilz furent du pays
Et des prelatz et du clerge hays
Puis au conseil hereticques dictz furent
Ars et bruslez dont plusieurs pytie eurent
En leur voyant endurer si fort
   Vng Symon fut vray conte de Montfort
Qui triumpha contre les herecticques
Auec prelatz et deuotz catholicques
Si fermement soustint la foy, leurs
Quil desconfist cent mille hommes et plus
Et si nauoit auecques luy que huyt mille
Disant lerreur de hereticques utille
   De tous crestiens ce fut enuiron lan
Que fut tenu le consille a Latran
Ou mille troys cens quinze prelatz furent
Qui les haulx faitz de Iesuchrist congneurent
Ausquelz par droit tous nous humilion
Pour lheresie aux poures de Lyon
Plusieurs Picquars souk vmbre de bien faire
Firent des maulx on congnust leur affaire
Dedans Paris pour leur erreur et mal
Furent bruslez aussi le general
Des myneurs fut auecques ses complices
Dict hereticdue et expert en malice
   Vng liseur fut excellent par renom
Fort estime qui de Parule auoit nom
Ayant en soy sy folle resuerie
Qui soustenoit que la Vierge Marie
Ne auoit este en ce monde mortel
Conceue sans peche originel
Mais en preschant telz motz a haulte alaine
Il tresbucha dune mort tres villaine
Comme de Dieu et sa mere mauldit
Maistre Henry de Hassia le dit
Et que plusieurs des clercs qui escriuoient
De la matiere espouentez estoient
Narrant qui nest si saïge ne discret
Qui soit capable enquerir du secret
Du createur de toutes creatures
Precongnoissant toutes futures
   Vne peruerse heresie, se esleua
Que Iehan Vuyclef hereticque trouua
En Angleterre et Iehan Hus dedans Boesme
Qui par long temps fist vue peine extresme
A saincte esglise et ses deuotz enfans
Et fut regnante enuiron quarante ans
Cestuy Iehan Hus auoit pour compaignie
Auecques luy Iherosme de Pragnie
Qui comme caulx subtilz malicieux
Leur heresie ont seme en maintz lieux
Et demonstre ferocite lupine
Rempliz derreurs et de fraulde vulpine
Cherchant au monde auoir leur alibis
Dessoubz labit daygneaux ou de brebis
Eulx pretendans pour leur papellardise
De subuertir lestat de saincte esglise
   Mais a Constance vng concille se fist
Mille quatre cens et seize au grant prouffit
De saincte esglise estant fort abolie
Par telle erreur et foy quasi faillie
Auquel concille a este fort reprins
Ledit Iean Hus et Iherosme et puis prins
Aprehendez et bruslez par iustice
   Tantost apres vint vng homme plain de vice
Faulx hereticque et de la foy larron
Quon appelloit lors Adamitarum
En Boesme estoit son heresie empraincte
Mais on la vit incontinent estaincte
Car villains cas furent en eulx congnus
Parmy les champs et les villes tous nudz
Pour leur plaisir et voulente alloient
Publicquement et la luxurioient
Mais Sigismond puissant imperateur
De leurs erreurs fut hastif correcteur
Boesme gasta et fut habandonnee
A feu et sang et la croisee donnee
Encontre tous herectiques peruers
Ou boesmyens eurent assaulx diuers
   Or fault noter que hereticques sur terre
Se sont esmeuz durant que regnoit guerre
Et font encore tu le voys de present
Dont peuple nest de pourete exempt
Mais vit en dueil en trauail et en peine
Soubz faulx distord et bataille inhumaine
Et cela vient ainsi comme ientendz
Par fier orgueil car il y a trois temps
Fort different que les humains poursuyuent
Lesduelz tousiours lung apres lautre suyuent
Que declairer ie veulx par bons moyens
Le premier est a habondance de biens
Car ceulx qui sont habondans en richesse
Veullent monstrer leur puissance et prouesse
Et lors se esmeut vng merueilleux discord
Lung contre lautre a qui sera plus fort
Lung ne permect a lautre faire place
Iusques a ce que la guerre se face
Et peu a peu en maisons et hostelz
Villes et champs biens sont rauiz oustez
De toutes parts par tailles et pillaiges
Exces larcins et merueilleux oultraiges
   Ainsi telz gens mutillez et greuez
On ne voit plus en orgueil esleuez
Humiliez sont par guerre mortelle
Qui dessus eulx et sur leur bien martelle
Cest le premier des troys temps. Le second
Est quant, humains tresgrande deffaulte ont
De biens mondains voyans leur indigence
Et pourete ilz prennent patience
Et sont prudens pour la crudelite
De la famine et la mortalite
Ou de guerre, en craignant de commettre
Aucuns pechez. Lors se veullent submectre
A la raison viuans tempereement
En labourant actuellement
Et non ainsi comme ilz. le pensent faire
Pour suruenir a leur petit affaire
Car par les champs et manoirs sont paoureux
De remonstrer aucuns aduantureux
Quant le tiers temps tempere de rechef
Vient aux humains apres leur grief meschef
Cueurs gros enflez commencerent a rendre
Deliberez du discord entreprendre
Comme deuant et se peult bien vanter
Richesse auoir puissance danfanter
Inimitie qui garde ne a duel faille
Dung peruers fruit enfanter cest bataille
Et puis bataille a tousiours enfante
Necessite malheur et pourete
Ainsy tu veoys que au miserable monde
Après richesses et biens guerre y habonde
Et pourete par la guerre a son cours
Parquoy conuient auoir vers Dieu recours
Considerant guerre et choses herites
Venir au monde et noz demerites
   Au temps present veons Martin Luther
Contre lesglise et la foy christ luter
Colecteur est dheresies passees
Que saiges clercz ont du passe cassees
Et en a faict volumes plus que assez
Pour plaisir par maintz lieux dispersez
A son discorder les esglises unies
Et de priuer sainctes cerimonies
Pareillement les doctrines et dictz
Des bieneurez estans en paradis
Irreuerant a louer les loix saines
Que nous disons diuines et humaines
A la iacture et la destruction
De tous prelatz et diminution
De la noblesse y mettant contredit
Car ce quil a allegue presche et dit
Est declaire en concilies publicques
De nul effect et ses dictz erronicques
Et ses consors de grace de Dieu priuez
Par trop cuyder plusieurs sont sotz trouuez
   Ainsi Luther auecques ses complices
Expers et durtz en subtilles malices
Le populaire ont si fort saborne
Que en leur erreur sest tire et tourne
En mariant prestres curez chanoynes
Abbez prieurs mendiens et les moynes
Auec nonnains rompans religion
Et infecte quasi la region
De Germanie en leur faulse heresie
Que a corriger nest vne chose aisie
Car nonobstant que clercz ont fait escripre
De lhumble Vierge et mere a Iesuchrist
Ilz ont presche comme plains de cautelle
Qui nest requis de supplier ycelle
Et que enuers Dieu nulle puissance ne a
Faisant cesser le Salue Regina
Cest le salut que luy font gens honnestes
Pareillement ses veilles et ses festes
Qui est contraire aux anciens docteurs
Et sainctz de Dieu certains predicateurs
Qui de la Vierge ont tousiours faict memoire
Sont ilz plus clercs que ne fut sainct Gregoire
Ou sainct Iherosme Ambroise et Augustin
Qui lont loue en vulgaire et latin
Et sainct Bernard qui fut tant debonnaire
Ignasce aussi son prudent secretaire
A qui le cueur de son corps on tira
La fut trouue Iesus et Maria
Dedans emprainct en tres belle escripture
De lettre dor en faisant la couppure
Dicelluy cueur de platz et de trauers
Et ses gourmans lutheriens peruers
En disent mal comme pillars incestes
Ce que ne font patriarches prophetes
Sibilles roys qui ont diuinement
Prophetise que virginallement
Naistroit le Christ dune Vierge pucelle
   Octouien aux sainctz cieulx la veit telle
Tenant son filz en vng luysant soleil
Qui ladora comme le nompareil
En se rendant dessoubz sa main seruille
Mais que en a dict le poete Virgille
Lequel estoit payen et Symeon
Qui repute fut tressainct iuste et bon
Scait on pas bien que Iesus choses grosses
Pour sa mere a faictes en vnes nopces
De Galilee ou fut Architriclin
A sa priere elle mua leau en vin
Il se voulut a icelle apparoistre
Apres sa mort et aussi luy transmettre
Le sainct esperit et son corps glorieux
Il fist monter lassus es diuins cieulx
Ou impascible est en gloire assouuie
   Ce vueille ou non lutherienne enuye
Qui en karesme a permis chair menger
Et soustenu quil ny a nul danger
Vie mener bestialle et gourmande
Aux quatre temps mengeant chair et viande
Et sans ieusner vendredis samedis
Veilles de sainctz lutheriens telz dictz
Veullent prescher qui sont plain de faintise
Lubricite erreur et gourmandise
Voullans greuer la trescrestienne loy
   Car les prelatz augmentateurs de foy
Pour preseruer de mal le corps et lame
Cheoir ou tumber en linfernalle flamme
Du feu denfer ont voulu ordonner
Faire abstinence et aulcun temps ieusner
Car trop menger maladie au corps liure
Et abstinence a deite faict viure
Les hommes sainctz desperit en chascun lieu
Et qui mieulx vault auoir grace de Dieu
Et gourmandise est cause de luxure
Qui aux humains en fin est aspre et seure
   Ainsi Luther ses consors et vassaulx
Viuent ainsi que en vng toict les pourceaulx
Blasmant lesglise et prestres venerables
En esperant bons faire a eulx semblables
Hayans raison prudence et verite
Voullans commun viure en auctorite
En desprisant prudens docteurs et saiges
Qui desglise ont soustenu les vsaiges
Et ont este en vertus si parfaictz
Moyennant christ que miracles ont faitz
   Et lutheriens ne font pour abreger
Miracles fors de yurongner et menger
Hayans honneur paix amytie concorde
Prenans plaisir prescher vne vie orde
Car la plus part de leurs entendemens
Est de priser sainctz deuotz sacremens
Et les bailler a vng chascun sans faire
Confession deuote et salutaire
Sans en auoir crainte doubte ou merreur
   Ainsi concluz que la nouuelle erreur
Qui ce met sus pour gaster les prouinces
Pareillement distension des princes
Comme de Turcs infidelles payens
Qui font assaulx et la guerre aux chrestiens
Et mesmement barbares et gens darmes
Les boutefeux en leurs malices fermes
Grandes caues peu de bledz et de vins
Adiouster foy a sorciers a deuins
Et croire trop en grande seigneurie
Ieune conseil et aymer flaterie
Parquoy les maulx que ay deuant recitez
Lesquelz veons en villes champs citez
Cloistres esglises manoirs forteresses
Et abolir biens mondains et richesses
Nos grands pechez en sont la cause aussi
Remedier est requis sur cecy
Et mettre ius cest erreur qui procede
Du faulx Luther car du passe succede
Comme est dessus redige par escript
Des precusseurs enfens de lantechrist
Qui leurs subiectz mainent a fin damnable
Laissant chascun soit riche ou miserable
A son plaisir viure comme il entend
De mon escript te plaise estre contend
Mettant ce dict et prouerbe en memoire
Garder la foy cest chose meritoire.

LACTEVR.

   Gardons nous bien de corrumpre la loy
Recongnoissons nostre Dieu qui la faicte
Impossible est de luy plaire sans foy
Nourrist nous peult cest le christ et vray roy
Grant tout puissant veritable prophete
Ostons erreur car ce nest que decepte
Rememorant qui nen vient nul prouffit
En disant foy pour nous sauluer suffit.

        Cy finist le Blazon des Hereticques.


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PIERRE GRINGORE, ou GRINGOIRE, dit VAUDEMONT, qui prit aussi le surnom de Mère Sotte, est l'un des poètes les plus féconds du XVIe siècle. Il paraît qu'il naquit en Lorraine, et qu'il vint à Paris vers 1510. Il vivait encore en 1544, mais on ignore le lieu et l'époque de sa mort. Tous ses ouvrages sont rares et recherchés. Il était assez bon poète pour son temps, et son style, dit l'abbé Goujet, a plus de netteté que la plupart de ses contemporains qui se mêlaient d'écrire en vers. Il était connu de Louis XII par l'ordre duquel il avoit composé sa pièce intitulée Le jeu du Prince des Sots et Mère Sotte, joué aux halles de Paris le mardi gras de l'an 1511. Il y joua le rôle de Mère Sotte, (V. les Antiquités de Paris, par Sauval, tome 3). C'était durant le cours des différens de Louis XII avec le pape Jules II et la république de Venise. Debure, en sa Bibliographie, cite 18 ouvrages de Gringore. M. Brunet, en son Manuel, t. 2, p. 123-126, donne les titres de 20 ouvrages, ajoutant que Duverdier lui attribue encore entr'autres le Blazon des Heretiques. L'abbé Goujet, t. XI, p. 212-242 de sa Bibliothèque franç., parle du Blazon, mais en disant que c'est sur l'indication de Duverdier. Niceron , t. 34 de ses Mém., n'annonce que 16 des poèmes de Gringore, au nombre desquels il met le Blazon, mais sur la foi de Duverdier. Lacroix du Maine ne parle pas du Blazon. M. Weiss, dans son excellent article de Gringore, au tome 18 de la Biographie univ., porte à 26 le nombre des ouvrages dont il donne la liste et cite le Blazon. Aucun de ces auteurs n'a vu le Blazon. M. Méon nous parait être le seul qui en ait eu connaissance, mais elle était très-imparfaite, et cependant elle lui a suffi pour en constater l'existence et en donner une légère idée. Il voulait le réimprimer dans ses Blazons, poésies anciennes, Paris, I809, in-8. Voici comme il s'exprime : « Blazon des Heretiques. - Pierre Gringore. - Il y a au frontispice une figure très-satyrique qui couvre toute la page, de format in-4 , et au bas De par la Court. Au dos du frontispice est un privilège. . . . - Le fragment de cette pièce qui manque dans toutes les bibliothèques de la capitale, est de huit feuillets, et m'a été communiqué par M. Chardin. C'est une histoire abrégée des principaux hérésiarques, jusqu'aux monothélistes, vers le VIIe siècle ». On doit donc regarder ce Blazon comme une des pièces les plus rares. Méon nous atteste qu'elle n'existait dans aucune des bibliothèques de la capitale, et il nous ajoute qu'il n'en a connu que ce fragment qui lui fut communiqué par M. Chardin, très savant libraire et grand connaisseur, qui certes devait attacher beaucoup d'importance à ce fragment, puisqu'il l'avait conservé.

Nous nous estimons très-heureux d'avoir recouvré cette pièce rarissime, que nous nous empressons de publier sur un exemplaire parfaitement conservé qui est peut-être le seul existant en France. Il est composé de 14 feuillets donnant 28 pages, signaturés a, b, c, d, imprimés en caractères gothiques, ayant 7 pouces de hauteur et 5 pouces de largeur, non rogné, parfaitement conservé. Le frontispice est composé de la figure très-satyrique que nous reproduisons, portant au haut ces mots : Blazon des Heretiques, et ceux-ci au bas : De par la Court. Le privilége daté du 21 décembre 1524, est imprimé au verso de ce frontispice. Le recto du second feuillet contient la Description figure ou effigie de lhereticque en 21 vers. Ensuite Epistre a Anthoine duc de Calabre, etc., laquelle commence le texte du poème. Quant au frontispice, il est l'ouvrage d'un graveur ancien dont la marque ou le monogramme est un G surmonté d'une croix à double traverse dans le milieu duquel se trouve une S. Il est placé au bas de l'estampe, entre les deux pieds de la figure. La même marque se voit aussi sur la 13e gravure, fol. 66, des Heures de Notre-Dame, par Gringoire, imprimées en 1527. - Christ, en son Dict. des Monogrammes , pl. IV, présente la même marque, et p. 356, même n°, il l'attribue, d'après l'Abécédaire des Peintres, à Jean Schorel, ajoutant que l'on trouve entr'autres la même marque sur les Douze Travaux d'Hercule, estampes signalées aussi par Florent le Comte, qui n'a pu en découvrir l'auteur.

La réimpression que nous donnons a été tirée à 66 exemplaires, savoir : 52 exemplaires sur papier vergé, 6 exemplaires sur papier vélin et 6 sur papier de couleur.

H.[erisson]

Achevé d'imprimer le 24 décembre 1832, par GARNIER fils,
imprimeur demeurant à Chartres.


(Texte non relu après saisie, 14.VI.07)

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