Victor Lefèvre
 (1822-1904)

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Fables de La Fontaine
interprétées par
Coco Lulu
(1898)

Un des derniers descendants des illustres Marolliens de 1830, j'ai nommé COCO LULU, se rappelant que j'avais écrit un avant-propos pour ses chansons d'antan, m’a demandé de lui rédiger une préface pour son interprétation de quelques Fables de La Fontaine.

N'ayant rien à lui refuser, j'ai promis ; mais j'hésite, parce que je crains de n’être pas à la hauteur de ma tâche. Certes, nul plus que moi ne rend justice à ses éminentes qualités d'écrivain populaire ; nul mieux que moi n'a su apprécier la vérité des caractères qu'il burina il y a cinquante ans, parce qu'ayant eu l'honneur de faire sa connaissance, de le voir dans son milieu du quartier des Minimes, je me suis rendu compte de la justesse et de la profondeur de ses observations ; mais ma sympathie pour cet aimable chansonnier peut déteindre sur mes appréciations et obscurcir mon esprit critique.

Toutefois, je crois être impartial en plaçant Coco Lulu au premier rang des poètes belges, non que sa poésie soit idéale, mais elle renferme l'expression des plus nobles sentiments ; elle exhale la gaieté la plus communicative, elle est emprunte de la plus impeccable morale, et cela dans une forme que Mme de Sévigné eût probablement désavouée, mais qui sort des entrailles mêmes du peuple distingué des Marolles, avant la création du Palais de Justice de Polelaert, un de mes amis presqu'aussi célèbre que l'auteur de Pitje Lamin.

Peut-être trouvera-t-on que le besoin d'une nouvelle production dans la gracieuse langue de la Rue des Vers ne se faisait pas généralement sentir.

Je répondrai à cela que la Belgique ne peut qu'applaudir à l'apparition d'une page de plus de ce patois qui fut admiré par Victor Hugo, lequel disait à qui voulait l'entendre que : « El' Favritt' och la cell' qu'est l'premier' de les bonn' amies de les Rois » (1) était un chef-d'oeuvre, digne de Shakespeare.

Sans doute, l'académie des Belles-Lettres y regarderait à deux fois avant d'admettre Coco Lulu dans son sein. Cela est regrettable ; c'est une gloire nationale de moins dans la docte assemblée, dont quelques-uns de ses membres ont maintes fois fredonné ses dontjes.

Je termine en exprimant l'espoir que le public sérieux accueillera favorablement le chant du cygne de mon intime ami Coco Lulu.

VICTOR LEFÈVRE.

Villa des Glycines,
3 septembre 1898.

(1) Parodie de La Favorite, opéra de Donizetti.


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El witt viske (1) et el pécheur

à Charel Van der Stappen.

El witt viske duviendra grand
Quans' qu'y reste en vie.
Mo de l' laisser courir en attendant
Ça s' rait toch (2) un' folie
Parc' qu'on n'est pas bien sûr de l'encore attrapé
………………………………………………
Un pécheur était veroccupé
A pécher à les étangs d’Ixelle.
Vlà qu'il attrape un p'tit poisson
Qu'y voulait mett' dans la payelle (3).

El' witt' viske dit : je serai pas bon.
Je suis cortrop jeun' pour qu'on me fait cuire.
Y foûdrait douz' petits si grands comm' moi, pour frire...
Laissez m' retourner à l' maison :
Dans l'autr' été tu peux m' réprendre,
Alours je s'rai quêqu' chos' de bon.
Godouche ! dit l' pécheur, est c' que tu vas m' rapprendre
Quois' que j' dois fair', quetje (4) poisson ?
Tu veux rentrer à les étangs d'Ixelle ?
Rien du tout ! t'iras dans la payelle...
Un tenet c'est plus mieux qu'un tu l'auras,
Parc' qu'avec l'un, t'es sûr, avec l’aut', vous l'êtes pas.


(1) Petit poisson blanc.
(2) Quand même.
(3) Poële à frire.
(4) Gamin.


Vancouchem
(1) et Triboulois
och (2) les deux Docteurs

A Tobias Van Volxem.

Y gn' avait deux Docteurs qu’ aviont le mêm' malade.
Vancouchem, lui, disait : je soûrai bien l’ soûver...
Mo Triboulois, son camerade,
Criait : dans deux jours y va créver.
Il ira voir à l' cimentière
Comment c' qu'y fait en d'sous de l' terre.

Comm' Vancouchem et Triboulois,
A l' malade, y z'aviont donné souvent des fois
Chaqu' des aut' méd'cin' à prendre,
Il a pas devu longtems attendre
Pour dans la pierland' (3) aller voir son papa.
Ha ! bien ! c' qu'on poudrait croir' ça ?
Triboulois y disait : moi, je savais d'avance
Qu'y crèvrait ! - Vancouchem, lui, disait : s'il oûrait
Ju plus de la patience
Et fait quois' que j' disais, à c' t' heur' cor y vivrait !
Et tous les deus' y s' mettont à rire.
- Pitje, c' que tu sais quois' que ça veut dire ?
- Non ! - Ha bien,

C'est que les Docteurs gagnont des liards pour rien...
Et que plus vite on meurt
Avec deux, qu'avec un Docteur.


(1) Van Cutsem.
(2) Ou.
(3) La terre, royaume des vers.


La crabe et el' lapin.

A Camomile Le Monnier.

C'est cor pas si tant de courir
Quans' qu'on veut arriver l' plus vite,
Y faut savoir quans' qu'on doit partir...
Je vas ça rexpliquer tout d'suite...
.....................................................
Un' pétit crab' disait à s' n'ami le lapin :
« Tu sais courir très vite...
» Ha bien ! sur el bout de l'chimin
» J' suis sûr que j' s'rai l' permière !
- « Toi !
» Que tu s'rais devant moi ?  »
Y dit l' lapin en colère !
- « Je parie avec toi
» Que je s'rai l' permière! »
- » Ca va ! » dit l' lapin... y pensait : j'ai tout l' temps
De boire en route
Un' petit' goutte,
Et riait en d' dans
Quans' qu'y voyait la pétit' bète
Marcher comme un prinker (1),
Y faisait de s' tête.
Il avait comm' l'air
De dire: och ! erme ! (2) camerade,
Tu mettras bien huit' jours pour fair' vot' proménade...
Mo la crab' va son p'tit train ;
Tout doucet'ment elle avance...
En ell' même ell' pense :
« J' s'rai l' permière à l' bout de l' chimin ! »
Tout d'un' fois el lapin
Voit que la crabe allait pétét' gaigner l'victoire,
Y s' met à courir comme un rinard...
Mo, c' qu'on poudrait ça croire ?
Il arriv' trop tard !
« Tu vois », dit la crab' tout' fière
D'avoir arrivé l' permière,
« Que c'est pas si tant de courir..,
Y faut savoir quans' qu'on doit partir.


(1) Hanneton
(2) Oh ! pauvre !

El coq et el Perl'

A Half onc' Lefèvre.

Un vieux bruss'leer de coq cherchait dans des scramouilles
Des pélatt' de patat' et des scheulpen (1) de mouilles
Quelque chos' pour chiquer, et vlà que tout un' fois
Y trouve un' perle, une bell' pierre.
« Jan vermille ! y dit, je vas chez Vanmarlière,
« El bejoutier qui rest' derrière
« L.'églis' St-Nicolas, et dit : Kobbe, tu vois,
« C'est ça qui frait crânement votre affaire. »
« Mo moi, tu sais, comm' je crèv' de faim,
» J'aim'rais corplus meilleur un pétit peu du grain.

Susse de zot' (2) savait pas lire.
Vlà qu' son mon oncl', un sâl' richard
Qu'avait si tant des liards
Que c'était pas pour dire,
Tomb' mort subiet (3) et dans s' testament
Y dit qui laiss' sûrment
A Susse un livre manifique :
Ça c'était de l' méchanceté !
El niveu serche après un' boutique
Où c' qu'on voudrait le livre ach'té.
Y va chez Moens, el libraire,
Et dit : tiens ! ça f'rait bien votre affaire !
Mo moi, comm' j'ai pas des argents blancs,
J'aim'rais plus mieux un' bonn' pièc' de cinq' francs.


(1) Ecailles.
(2) François le fou.
(3) Subitement.


El paysan et s' famile
                                                                
A Wâre Bauwens.

Lomme Vanboom qu'était presque mort,
A s' lit fait v'nir toute es' famile.
C'était deux garçons avec un' file...
Y pleuriont très fort.
El vieux leur dit : tu faux pas vender' l'héritage
« Que j'ai t'hérité d' mes parents.
» Y gn'ia quéqu' part tout plein des liards la d' dans.
» Où c' qu'est l' kot' (1) ça j' sais pas... c'est dammage
» Oué mo, travaillez, fait' bien des trous,
» Dans l'plus parfond de l' terre.
» Et tu trouv'ras sûrement l'affaire. »
Y s' mettont à l'ovrage.
Y disiont : allo, corage !
Touquons (2) de l' matin jusqu'à l' soir.
Su l' bout d'un an, la terre était bien plus meilleure.
Les carott' et les choux poussiont plus mieux à c' t' heure
Les pétits pois veniont qu' c'était plaisir à voir.
Mo pou des liards ? y gn'avait rien.
Ha bien !
Ça veut dir' que l' papa c'étai sûr pas un' bête.
Il avait trouvé dans s' tête
Que travailler c'est l' vrai trésor,
Qui vaut cor plus' comm' de l'or.


(1) La cachette.
(2) Travailler ferme !


El loup et el Lemmeke (1)

A Hanske Taverne.

Quans' qu'on fait des rus', c'est toujours el capon
Qu'est l' plus fort, qu'a raison.
..............................................
Un petit Lemmeke un jour
Buvait du l'eau dans un' rivière...
Un loup qu'avait très soif, vient, et dit en colère :

« Ploch' ve den doch' ! (2) c'est à m'tour
» De boire, et tu viens sur ma place.
» Halte là !
» Petit' crapul' que t'es là !
- Beh ! mossieu le loup, je passe
» Plus bas que toi ! je salis pas votre eau.!
- Stinker ! (3) qu'en wallon on appelle agneau,
» Sur moi t'as dit tout' sort' de choses
» Deux ans passés - Prends gard' si t'oses
» Encor' me crétiquer !.. - Tu dis deux ans passés ?
» Alours j'étais cor pas sul'terre.
» Je têt' cor ma mère!..
- C'était pas toi ? - Och ! non ! - Alours c'était vot' frère ?
- Beh ! j'en ai pas ! - smoel toe ! (4) c'est assez !
» C'était alours des gens' de vot' famile...
» Le chien, le briger...
» Y m'laissont jamais tranquille,
« Et j'vas m'revenger...
Avec el Lemmeke y file
Dans les bois, et va l'manger...
..................................................
Tu vois bien que c'est l'capon
Qu'est le plus fort, qu'a toujours raison.


(1) Agneau.
(3) Place pour l'allemand -- Locution usitée en patois flamand de Bruxelles.
(3) Petit puant.
(4) Taisez-vous !


El veus (1) qui veuf s' fair' si gros comme un boeuf.

A Lion Jouret

Y gn'avait un veus' qu'avait d' l'ambichion.
Y voit un' fois un boeuff' couché dans un' plairie.
Ça lui donnait d'la jalous'rie
D'et' pas si gros ! (on est jamais dans l'vie
Content d'sa posichion. )
Et vlà qu'y veut aussi dévenir un' gross' bête.
Il avait ça mis dedans sa p'tit' tête.
Quans' qui s'a bien enflé, veuske dit à s' ma soeur
- Régard ! c'que ça commence ?
- Allo do ! - Maint'nant ? - Cor rien du tout ! - A c' t' heure ?
- Y gn'ia pas d'différence...
El veuske fait sitant (ça c'est toch (2) cruïeux)
Que sur un' fois y pette en deux.
.................................................
C'est comm' ça dedans l'vie.
D'êt' plus grand qu'on est on a toujours d' l'envie.
El quetje (3) d'apprenti veut passer ouvérier...
Tout just' comme el piot' qui veut iet' guernadier.


(1) Grenouille.
(2) Quand même.
(3) Gamin


El coq et el Rinard

A Jefke Van Severdonck.

Un vieux coq très malin, sur un arbre stampé,
Voit venir un Rinard, qu'était non plus pas bête.
Y s'rapp'lait que le vos (1) avait bien attrapé
Plus' des pouill' qu'il avait des plum' dessus s' tête.
- Ojord'hui, dit l'Rinard, on est tous des amis...
« On doit plus faire
» La guerre...
» Pour êt' des camerad' sul'terre
» El bon Dieu', es'pas', nous a toch mis ?
» Descendez de ton arbre et donnez moi z'un' baise.
» Dit' à vos pouill' qu'ell' pouvont bien
» Ici courir tout à s' n'aise,
» Qu'on leur fera plus jamais rien »...
El coq disait comm' ça dedans lui-même :
« Ouè, ouè, fisque, je vous connais.
» Tu dis à c't'heur' « je vous aime »
» Et si tu soûrais
» Tout d'suit' tu m'chiqu'rais. »
Alours tout haut y dit : « Camerade,
» Pour faire une embrassade,
» Je vas descendre... mo, j'vois v'nir
» Là-bas, pour boire un verre ensembel,
» Deux gros chiens qui s'mettont à courir. »
Vlà l'vos' qui croit ça... qui trembel' :
Il a peur... mo fait semblant
D'êt' content :
« Je s'enva vite, y dit, j'ai n' commichion à faire.
» J' viendrai pou fair' beschiet (2) avec vous aut', plus tard. »
Y court envoie, et c'est l' slumzoet (3) de rinard
Qu'est attrapé dans cette affaire...
Alours el coq descend, et chant' de tout es' coeur !...
C'est qu'il avait la pluym (4) d'avoir trompé l' trompeur.


(1) Renard.
(2) Trinquer.
(3) Semence de malin.
(4) La plume (gage de victoire d'arlequin).


El Lion et el Rat

A Liapold Courouble.

Au bois d'la Cambre un jour,
Un gros rat, qui voulait faire un tour,
Dans les patt' d'un lion sort tout d'un' fois de l'terre.
Comm' tous les homm' qui sont forts, il était sûrement bon
Ce grand lof (1) de lion !
El rat y dit : « T'as un bon caractère,
Toi, jamais tu chiqu'ras,
Es'-pas,
Les poûver' pétits rats ?
El Lion y'répond : « Allez, mon camerade,
« Va fair' ta proménade
» Y fait si bon dans not' forêt ! »
C'était toch bien joli d' sa part qu'à même !
Mo vla qu'un jour,
A s' tour,
Lui-même
Est attrapé dans un filet.
Comme ça l'embête,
Ys' met à gueuler comme un' bête.
Alours el rat d' l'aut' jour, qui voyait
Que l' Lion savait pas rétirer s'tête
De dihors el filet,
Dit : « Rattends un p'tit peu ! j'vas t'rendre un service :
Parc'que pou'm'fair' plaisir
« T'as m'laissé courir. »
Vlà qu'end'sous del' filet tout doucet'ment y s' glisse...
Yl' mord avec ses dents et l'a vit' déchiré!...
Goferdoum ! dit l'Lion, beh ! je suis délivré !...
.......................................................................
Cett' fabel est joliment jolie.
Ça veut dir' que dans l'vie
(C'est toch bien vrai, saïe-vous ?)
On peut avoir busoin d'un plus pétit que nous.


(1) Paresseux.


El rat des Marolles et el rat de Weule (1)

A Pitje Tempels.

Dans l'temps un rat des Marolles
(Que s' queue y faisait pas des crolles)
R'invit' sur un muske (2) de lapin
Un rat de Weule son cosin.
Sur un' bell' grand' napp' bleus' y mettont des assiettes.
« Chiquons bien, y disont, et laissons pas des miettes... »
Mo vla que quelqu'un enter' dans la maison...
Fritt ! fritt ! y jouont scampavie (3)
Y z'aviont pas l'envie
D'être attrapés... beh ! non !
« Pas si bêt' » y s' disont.
Quans' qui gn'ia plus personne, y rentront dedans l' place
Et chiquont tout...
« J'ai mangé bien à m' goût »,
Y dit el rat de Weule en tirant un' grimace,
« Tu peux venir dans m' trou chiquer demain ;
» Si ça s' ra pas si bon qu'un muske de lapin,
» Tu s'ras plus à vot' n'aise.
» On a chez moi jamais busoin d'un' chaise...
» D'êt' dérangé vous aurez pas peur,
» Et les betjes (4) goût'ront bien plus meilleur. »


(1) Woluwé, village aux environs de Bruxelles.
(2) Portion.
(3) S'enfuir.
(4) Morceaux.


Trintje et el' cruch' avec du lait

A Predje Mabille.

Trintje allait porter z'en ville
Un' cruch' avec du lait...
Et comm' toujours ça s' fait
Y gn'avait plus' du l'eau que du lait
Dans l' cruch' de cett' brav' file...
Ell' disait en ell' même : « Avec tous mes argent
Blancs,
» J'ach'tr'ai tout plein des oeuf', qui duviendront des pouilles,
» Qui courront dans m' pétit jardin
» Près des étangs de Tenouille (1)
» El vos' y s'ra bien malin
» Si y m'en laiss' pas un' bonn' douzaine...
» Avec ça j'oûrai pas d' la peine
» D'ach'ter un p'tit cochon
Que je f'rai gras avec des patat' et du son.
Alours je l' revendrai pour avoir un' bell' vache ;
» Avec son petit jeun' je la verrai courir... »
Vlà qu'ell' court aussi... Clache !
El cruch' tomb', cass'... ell' sait plus rétenir
El lait qui coul' par terre...
Jiusus' Marie ! à c't' heur', c'est fini de plaisir...
Plus des pouill', des cochons, des vach'... plus rien à faire
Elle attrap' cor bien des calott' de s' mon père,
Elle a des rus' avec es' mère,
Parc' qu'elle avait perdu tout s' lait...
Ha bien, Trintje, c'est bien fait.
..... . . . . . . . . . . . . . . . . ................
On rêv' qu'on a tout' sort' des belles choses...
Des kasékes' (2), des flieren (3), des roses
Des boul' de neig' dans son jardin.
On rêv' qu'on a des pots d' lambic plein l'tabel',
Que l' Pape est not' cosin,
Et comm' Trintje su l' fin
On est comm' paravant tout juste un poûver' diabel'.


(1) Saint-Josse-ten-Noode.
(2) Paquerettes.
(3) Giroflée jaune.


Les deux An'

A Tiodor Solvay.

Deux ân' marchiont à deux. - Un qui s'app'lait Antoine
(Comm' Tône des pouchinel'),
Y portait dessus s' dos deux trois sacs de l'avoine.
L'auter c'était Neéle Snotebel...
Y portait pas d' l'avoine
Mo des sacs avec du l'or.
Il était d' ça si fier comme un tambour major.
Y faisait de s' n' esbrouf (1) on oûrait dit Jandemme
Qu'il était l' prop' cosin de Liapol lui-même.
Mo vla que tout d'un coup des voleurs y venont
Pour picker (2) tout l' bazar qui blinkait (3)... « Bonne affaire »
Y disont...
Mo Neéle y s' met en colère,
Leur flanqu' des bons coups d' pied.- Euss' y l' frappont si fort
Que l' pouvr' âne était presque mort !...
Y disait en pleurant : on laiss' Tône tranquille,
On lui fait rien, Jan Vermille !...
Moi je s'rai stropiné (4) cochons ! c'est pas permis.
C'est podouche pas ça qu'on me z'avait promis...
- « Neéle, y dit s' camérade,
« C'est pas toujours bon d'avoir un chic emploi.
« Et si t' oûrais porté rien que d' l'avoin' comm' moi
« Tu s'rais pas si malade! »


(1) De l'embarras,
(2) Voler.
(3) Brillait.
(4) Estropié.


El pouill' et les oeuf's en or

A Lion van de Voorde.

Quans' qu'on veut trop gaigner, des fois on perd... là-d'ssus
Je sais un' petit' histoire
Qu'on poudrait presque pas croire.
Parc'que l' jour d'ojord'hui, Mossieu, ça se voit plus.
.........................................................................
Jan Strykyzer avait un' pouill' straordinaire
Qui caquait des oeuf' en or.
Comme y croyait qu'elle en avait cor
Dans s' n'estomac, y dit: « J' vas faire
» Un' bonne affaire. »
Il ouvr' es' venter' et trouv'... des oeuf' d'or ? pas du tout !
Des oeuf' comm' tous les ceus' qu'on vend sur les boutiques
A les pratiques
Pour trois ou quat' cents partout.
...................................................
Ça c' t' un' leçon pour les gens' chiches
(Comm' les fransquaillous y disont)
Qui dévenont
Si poûv' comm' Job, parc' qu'y voulont
Êt' sur un' fois trop riches...


Les deux coqs

A Susse Stroobant

C'était deux coqs, deux très bons camerades.
Un s'appelait Wanes', l'aut' s'appelait Lambert.
Ensemble y faisiont des grand' proménades,
Quans' qui chantiont c'était un vrai concert.
Un jour y rencontront un' pouille...
Et vla tout d'suit' qu'y sont en brouille.
Wannes' dit à Lambert : « Moi je vas tesceupper » (1).
Ça j'voudrais voir, dit Lambert, commence !
» C'est cor pas toi qui soûra m'attraper... »
Vlà qu'y s' mettont en défense.
Mo paravant
Un schéere-chliep (2) en passant
A mis leurs becs et leurs ongels' su l' pierre
Pour qui seriont plus pointus dans l' guerre...
Tout' les pouill' vouliont voir
Qui c' qui s'rait l' plus fort dans l' bataille.
Les coqs y s' battont jusqu'à l' soir.
- « T'es t'un grand lâch' !... - T'es t'un' canaille !... »
Et flick et flock ! et c'est Lambert
Qu'attrape un' pile (3).
Tout t' honteux y courait dans l'ville...
On criait : « Hé ! Lambert !,
» T'as t' n'estomac tout ouvert...
» Quel pile ! »
Comme un pahon Wannes' était si fier !
Il avait tout plein des bonn' amies,
(Comme on dit en wallon : c'est des polygamies...)
Qui faisions bisquer Lambert...
Un' fois Wannes' chantait bien fort dans l' rue
Un Stéek-vogel (4) vient, tomb' dessus et l' tue.
Alours Lambert est révenu,
Et c'est cor lui qu'est rédev'nu
El mari de tout' les belles
Pétit' démoiselles...
Qui s'aviont moqué de lui !...
Vlà comm' ça va le jour d'ojord'hui !


(1) Empoigner, soulever de terre.
(2) Rémouleur.
(3) Raclée.
(4) Oiseau de proie.


El bouc et el Rinard

A l' Neus' (Vitor Greyson).

I

En passant par Ixelle'
Ousqu'on va sul' nacell',
Un vos' qui s'proménait
Voit dans un staminet
Un bouc, grand lorias (1)
Qu'avait mis s' possen ias (2),
Qui dit: « Mossieu Rinard,
» Viens j' te pai' pou trois liards. »

II

El slumzoet (3)de Rinard,
Qu'était un franc gaillard,
Quans' que l' baes (4) y tapait (5)
Dédans l'tiroir chippait (6)
Un' pièc' de deux trois francs
Et cor des argents blancs,
Et puis y dit à l' bouc :
Allons à l' Liefkenshoeck (7).

III

Y bambochiont toujours
Mo vlà qu'sur un beau jour,
On les empogne et puis
On les flanqu' dans un puits.
El' vos voit bien par où
Qu'on peut sortir de l' trou,
Mo l' bouc qu'était qu'un' bêt'
Y trouvait rien dans s'têt'.

IV

« El vos' y dit : Pératt',
» Sortons de c' casematt'.
» T'es si grand que m'grand frèr'
» Mettez vos patt' en l'air,
» Tu vas m' donner un' bintje (8),
» Alours comme un goe vriendj' (9)
» J' vous f'rai sortir alours...
Sitôt que j' s'rai dihours !.

V

El vos' qu'est déterré,
Ben' ais' d'êt' délivré,
Crie à l' bouc qu'est au fond :
« Ouchoum ! (10) comme y fait bon !
» J' m'avais fait attrapé,
» J' m'ai pouvu réchappé,
» A c' t' heur' je vas partir...
« T'as qu'à tacher d' sortir ! »

MORALE

Çuilà qu'à fait c' chanson
Veut faire un' p'tit' leçon :
Y dit qu'on doit savoir
Avec qui c' qu'on peut boir' ! ...
Qui gn'ia beaucoup des ceus'
Qu'on prend l'soupe avec eus',
Et qui sont tous l' permier
A vous mett' dans l' panier !


(1) Vaurien.
(2) Habit des dimanches.
(3) Semence de malin.
(4) Patron.
(5) Pompait la bière.
(6) Volait.
(7) Cabaret renommé.
(8) Joindre les deux mains pour aider à monter.
(9) Bon ami.
(10) Exclamation de bien-être.


Les deux Pigeons

à Sisse Gust. Gevaert.

Sur un Kyker (1) deux pigeons, deux amis,
Y régardiont courir les niages,
Et s'rappeliont les bons voyages
Qui z'aviont fait dans d'aut' pays.
Un disait : « Jan Vermille !
» J'ai bien d' l'envie encore un' fois
» De s'en aller d' la ville.
» On est ici jamais que sur des toits !
» La Belgique »
» C'est pas si joli comm' l'Amérique...
- « Mo, disait l'aut' : c' que t'as busoin »
De voler si loin ?
» Et quans' qu'y f' ra du vent, quans' qu'y f'ra de l'tonnerre,
» C' que tu trouv'ras
» Un kyker là-bas ?
» Rest' plus meilleur avec vot' frère. »
« - Non, je vas partir, mo pas pour longtemps,
» Un jour, deux, trois, m' camérade
» Quans' que j' réviendrai de m' proménade
» J' vous racont'rai mes amus'ments.
» Voyager, ça c'est bon pour apprendre...
» Tu verras
» Que t'oûras
» Du cajoder (2) pour entendre
» Tout quoi s'que j'oûrai vu,
» Et tu diras : C'est vrai ! j'oûrais pouvu
» Avec faire el voyage...
» C'est toch dammage !... »
Vlà qu'y s' disait à r' voir
T'oûrais devu voir
Comm' çuilà qui restait avait d' la tristesse !....
Pour l'aut' c'était kermesse
De voler dedans l' ciel de l' matin jusqu'à l' soir...
..............................................................................
Y faisait beau, c'était su l' mois d' septembre
Un' fois, dans un bois d' la Cambre
Un stéek-vogel (3) tomb' su s' dos...
Il avait d'ja pris beaucoup des plum' de s' n'aile,
Quans' qu'un aut' steek-vogel, plus gros,
Qui faisait sentinelle,
Crie à l'permier : « Halte là !
« C'est à moi c' pigeon là !.. »
Su l' temps qu'y s' disputont, not' camérade s'envole
Sans dire un' parole...
Et va tomber proch' de Louvain
Dans un chimin
Ousqu un snot'neus (4) de gamin
Jouait à la pinoche (5).
Comme un traitr' y s'approche,
El pétit capon,
Et jette un' pierre après l' pigeon.
(Les enfants, c'est pas toujours bon !)
La poûver' pétit' bête
Qu'avait un' bosse à s' tête
Retourne à son kyker tout t' honteux et blessé.
- « Ah! t'es là! tu t'as bien amusé? »
Dit s' n'ami qui lui donne un' baise,
Ben' aise
De l' voir révenir.
- « Mo t'as comm' l'air de souffrir ?
- » Oué, je sens que ça brûle :
» C'est un cochon d' stéek-vogel' qui m'a voulu mangé !
» Tu vois comme y m'a z' arrangé !
» Cett' crapule !
- » Ha bien! tu dois plus s'en aller. »
De vot' chagrin, je vas te consoler.
» C'est si plaisant d'êt' des camérades »
A deux on f'ra des régalades,
» On chiq'ra des bous'trings, (6) des carbonades.
» On ira chez Hanicq
» Boir' du gueuze lambic...
» Et vous trouv'rez à Bruxelles,
» Comm' dans l' paradis
» Des z'houris,
» Tant qu'tu voudras, des belles
Pétit' femelles. »


(1) Pigeonnier.
(2) Plaisir.
(3) Oiseau de proie.
(4) Morveux.
(5) Jeu populaire d'enfant.
(6) Hareng-saur


Les bêt' qui sont malad' de l' choléra-morbus
                                                      
A Umil Greyson.

C'était dans l' temps de l' choléra-morbus',
On mettait des morts plein des omnibus'.
Tout' les bêt' tombiont comm' des mouches,
Y mouriont pas, mo tous y z'attrapiont des touches.
Les loups et les rinards y laissiont tranqill'ment
Courir les gens', les pouill' et tout l' trembel'ment...
Quelle affaire!
Ca c'était, s'tu, straordinaire !
Les pigeons faisiont plus l'amour... roucoudoucou ! (1)
Alours un vieux lion, comme à la gard' civique
Fait l'appel ! c'était d' la polétique
Y r'trousse es' moustache et dit tout d'un coup :
« Camérades,
» Je crois que si on sont tous malades,
» C'est que l'bon Dieu s'a fâché...
» Voyons ! qui c' qu'a fait l' plus gros péché ?
» Çuila doit créver pou not' pénitence...
» Moi, j'ai mangé beaucoup des moutons
» Et les brigers avec, et j'ai pas d'répentance.
Mo les aut' bêt' y duvont
» Aussi v'nir à confesse.
» Et l' plus méchant s'ra puni. » - « Majesté,
» Y dit l' rinard, och bien, si t'aim' mieux, Altesse,
» T'es bien trop bon ! ça c'est l' pur' vérité.
» T'as chiqué des moutons, des brigers, belle affaire !...
» Y duviont êter' fiers d'êter' chiqués par toi !
» Comm' Liapol c' que vous êt' pas not' roi? »
- « Voske getj' gelijk » (2), criait la companie.
On oûrait pas osu demander à les ours',
A les tigres, combien c' que dans leurs cours'
Dans tout' leur vie,
Y z'aviont fait des exécuchions.
On oûrait donné l' bon Dieu sans conféchion
A tout' les auter' bêtes...
T'oûrais devu voir leurs têtes
Quans' qu'un âne y vient doucet'ment ?
Dir' « qu'un' fois dans un' plairie,
» Il avait chiqué sûrment
» Un pétit peu d' l'herbe. » - On crie :
« C' que t'avais la permichion ?. »
- « Non, mo c'était une occachion. »
Un loup qu'avait été sur l'écol' des p'tits frères
Y dit : « Halte là !
» C'est pou ça
» Que l' choléra-morbus' a fait si tant d' z'affaires.
» Manger de l'herb' qu' c'était pas à vous!
» C'est pas guepermetteert (3), vite à la guillotine'.
................................................................................
» On voit ço bien aussi chez nous,
Si t'es un chic Mossieu, que t'as un' bell' mine,
Och bicn un soukeleer (4) qui fait de l' peine à voir,
Vous êt' blanc, och noir!...


(1) Roucoulement.
(2) Renard, tu as raison.
(3) Permis.
(4) Miséreux.


El Loup et el Chien

A Jef Lambeaux.

Un loup qui sortait d'un' forêt
Etait maigre comme un soret (1).
Y rencontre un gros chien qu'avait tout plein de l' graisse...
Il oûrait bien voulu l'attaquer
Pou le chiquer...
« J' crois qu' c'est plus mieux que je l' laisse
» Courir, y dit, car c'est un fameux lapin.
» Ça s'rait p't'êt' cor pas si facile...
» Et j' poudrais attraper un' pile. »
Alours el loup va fair' connaissance :
« Comm' t'es beau ! t'as d' la dissemblance (2)
» Avec un lion ! »
- « Beh ! m' garçon
» Y dit l' chien (qu'était pas un' bête)
» Si tu voudrais
» Tu deviendrais
» Si gras comm' moi !... Quois' qui vous arrête
» De venir avec moi ? Vous serez plus hureux »
(Les chiens s' mangeont pas entr'eux).
» T'oûrais des bonnes betjes chez mon maître
» Tous les sam'dis du foie, et les dimanche' ? des oss'
» De pigeons, de poulets, vous vous donn'rez un' boss'. »
« Mo quoi'sque j' duvrai fair' ? - Comme el garde champêtr
» Courir après les mendiants
» Et les sâles enfants »...
- « Tiens, y dit le loup, t'as là comme un' blessure
» A vot' cou? - « Non, non, c'est rien. »
- « Je l' vois bien,
» C'est comme un' déchirure...
- » C'est p't'êt' de mon collier ? » - « Est c' que t'es t'attaché ?
» Tu peux pas courir quans' que t'as envie?,
- « Non, pas toujours. » - « Moi, je s'rais bien fâché
» De rester tout' ma vie
» Dans un' sloûvera (3) comm' ça ! »
» La liberté, camerade,
» J'aim' mieux ça qu'une carbonade ! »
Et la d'sus, el loup s'en va...
C'était sa polétique.
Y voulait pas êt' domestique ;
Il avait toujours été
Un Belg' pour la liberté !...


(1) Hareng saur.
(2) Ressemblance.
(3) Esclavage.


La File
                    
A Fredje Cornélis-Le Bègue.

Mamzell' Jeannette,
Que Netje dans l'ganse (1) on appelait,
Comme on dit dans l' grand jar (2) était un' petit' coquette :
Avec tous les homm' ell' riait.
Mo tribelment elle était fièr' mamzelle.
Y v'nait tout plein des chicards
Des cach' à croût' (3) qu'aviont des liards
Pour fair' l'amour avec elle...
Mo les mossieurs n'étiont jamais assez jolis,
Assez bien mis...
Ell' trouvait que l' grand Néele
Voyait schéele (4)
Que Lowie, un spèc' de baron,
Etait kron (5).
Que l'beau Vanzéele
Avait
Un nez d' perroquet.
Que l' Rosse,
El rich' marchand d' poisson,
Etait un beau garçon
Mo qu'il avait comme un' bosse,
Ik ben' meer wêt' (6) disait mamzelle
Dans l' duyvel's hoek (7) elle
Croyait bien sûr qu'elle était la plis belle...
Ell' disait qu'elle avait pas busoin
Des bon' amis ! qu'elle était dans son coin
Aussi tranquill' comm' Batiste
Toujours contente et jamais triste...
Qu'ell' dormait,
Et qu'ell' ronflait
Comme un' basse.
Mo vla que l' temps doucet'ment passe.
Qu'elle a déjà beaucoup des ans,...
Et plus si tant des blanches dents,
Qu'elle a d'jà plus un' fin' tournure,
Qu'ell' gaigne un' vieul' figure,
Qu'ell' met du rouge et du blanc d'sus.
Qu' les bon' amis y venont plus
Courir après Jeannette
Qu'était dans l' temps un' p'tit' coquette.
Ell' disait : si j'oûrais ça su !
J'oûrais pas été si difficile...
C'est triste à dir', mo la pouv' file
A fini par s' marier contre un vilain bossu...
.....................................................................
Quans' qu'on peut pas avoir du rôti,
On doit êt' content avec du boli !


(1) Ruelle.
(2) Genre
(3) Céladons.
(4) Louchait.
(5) Bancal.
(6) Je vaux davantage.
(7) impasse Coin du Diable.


Luppe et el Serpent

A Tône Van Hammée.

Fait' du bien
A un vilain
Y vous caqu'ra dans la main.
Ça c'est toch bien vrai, s'tu ? mo, c'est p'têt' un peu sâle
De parler comme un scandâle ?...
Mo j' sais pas l'dire oûterment...
Sans ça, madam', j'l'oûrais fait sûrement.
................................................................
Un' fois l'hiver, dans l'bois d' la Cambre,
Luppe trouve un serpent qu'était tout engelé.
Y l' prend, et l'met si près de l' stôf (1) dans s' chambre
Qu'il était presque brûlé.
(C'est comm' ça qu'on veut bien faire
Et qu'on fait quéqu' fois un' moûvaise affaire.)
Quans' qu'il a bien chaud, vla que l' sâl' serpent
Y rédevient vivant,
Et tout d'un coup y veut sauter sur Luppe.
Y veut morder' çuila qui l'a soûvé !...
Hureus'ment que Luppe a trouvé
Dans l'ormoir' de s' femme, un' jupe
Qu'il a j'té su l' cochon d' serpent.
Alours y prend
Un' hach' qui pend
Su l' muraille...
Y coupe, y taille
En p'tits morceaux, cett' crapul' de canaille...
Sans ça sûr, il ôurait été mordu,
Et l' pouver' Luppe était perdu !...
.....................................................
Tu vois, es' c' pas ? fait' du bien
A un vilain,
Y vous caqu' dans la main.


(1) Poèle.


El Sprinkoût (1) et l' Formi

A Aleski Ermel.

El' sprinkoût qu'avait chanté
Tout l'entier été,
Quans' qu'il avait sentit l' froidure
Faisait un' triste figure.
Plus un' betje à manger
Plus un' pôuver' pétit' mouche...
Il a si tell'ment faim, c'est vrai, qu'y régard' louche
Et dit : « Ço doit sanger !... »
Alours y va chez l'formi, sa voisine.
- « Prêtez-moi quéqu' chose, y dit...
- » Sur quoi, sprinkoût ? - Beh ! sur m' bonn' mine
» Jusqu'à l'April fait' moi crédit.
» Pour douz' pétits morceaux je t'en rendrai cinquante. »
Oué mo, quans' qu'ell' voit ce Kalante (2),
Formi pense en ell' mêm' : « Crédit est mort.
» Su l' s'main' dernière
» Les môuvais payeurs y l'avont mis dans l' terre... »
Là d'sus ell' sers' son cabas bien fort,
Et dit : « Sprinkoût, dans vot' folie
» Quois'que tu faisais à l' bon temps ?
- « El jour, el soir à les passants
» Je chantais : O bel ange, ma Lucie!... »
- « Ah! ah ! tu chantais mon p'tit coeur ?
» Habien, fait' des flikkers (3) à c't'heur'... »


(1) La cigale.
(2) Client.
(3) Entrechats.


El pétit garçon et el maît' d'école

A l'  Papa Slosse de Tenouille.

Prés de l'Nieuwmeule (1) ousqu'on va nagé,
Pour attraper un' démoiselle (2)
Qu'avait du vert et du bleu sur s'n'aile,
Un p'tit garçon courait comme un enragé.
Comme y marchait en arrière,
Tout d'un' fois, plouf ! y tomb' dans l' rivière.
Y s' met à crier : « Maman ! Maman ! »
Vla qu'un niossieu qu'a des hinett' y passe,
Le réconnait, et dit : tiens ! c'est un p'tit de m' classe
« Comment ! comment
Y fait cor un' fois des bêtises !
» Il a jamais fait qu'des sottises !...
» Y s'encourt toujours de s' maison.
» S' papa disait : c'est un méchant capon !
» Quans' qu'y voit un' mouch' qui vole,
» Y récrit plus les devoirs de s'léçon !... »
Qui c' qui parlait comm' ca ? - C'était son maît' d''école.
Et sur c' temps-là, l' pôuv' pét't s' niait (3)
Comme el' maît' y voyait
Que l' quetje s' débattait
Y finit par l' tirer de dihors de l' rivière...
Il ôurait ça tout' d' suit' devu faire...
.........................................................
A l' plac' de tant parler, jist' comm' des avocats,
El babioen (4) f'rait mieux de fair' quéqu'chose, es' pas ?


(1) Endroit de la Senne où l'on se baigne.
(2) Libellule.
(3) Se noyait.
(4) Blagueur.



(texte non relu après saisie, 26.03.07)

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