Oscar Maréchal
  (18..-19..)

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La Vie et les voyages du Géant Antonin
(1913)


Gulliver et Lilliput

Les extrêmes se touchent !...

Le Nanisme et le Gigantisme peuvent être rapportés à un processus analogue quoique de signe contraire. La situation des Nains et celle des Géants ne laisse pas d'exister certains points de communauté dont j'ai fait de nombreuses remarques.

Lors de mes derniers voyages en France, aux environs de Roanne dans le département de la Loire, j'ai engagé le jeune Géant Antonin Cros. Le Hugo du jour car si ce n'est pas un grand homme c'est assurément un homme grand, qui appartient à une honorable famille. Le père mesurait 1 m.66 et la mère mesure 1 m. 55 et pèse 80 livres. Ils eurent trois enfants, une fille et deux garçons qui sont nés à 7 ans d'intervalle environ, et dont le Géant Antonin est le dernier. Ce fut pour les parents une surprise extraordinaire de voir la différence exagérée de grandeur et de grosseur à côté de sa sœur qui mesure 1m. 52 et pèse comme sa mère 80 livres. Jusqu'à l'âge de 4 ans, Antonin ne dépassait pas la taille de ses camarades : à partir de cet âge et sans qu'on ait pu en connaitre la cause il se mit à grandir assez rapidement. Les parents se demandaient quand leur fils allait finir de grandir et de grossir, il devenait tellement grand qu'à 10 ans il mesurait déjà 1 m. 62, à 14 ans, 2 m. 02.

Ses frères et sœurs ne paraissaient plus que des Nains à ses côté. Antonin est un véritable prodige de la nature. Agé seulement de 19 ans, il mesure déjà. 2 m. 25. Ce géant présente un très grand intérêt scientifique il grandit de 8 centimètres par an.

Le Géant Antonin étonnera, certainement le conseil de révision quand il se présentera à St-Symphorien en 1913. Le major sera certainement stupéfait de se trouver en présence d'un conscrit mesurant 2 m. 25 et s'il continue à grandir dans les mêmes proportions, à quelle taille va-t-il s'arrêter ?

D'après les médecins qui ont étudié son cas de croissance tout à fait particulier, ils prétendent qu'il dépassera tous les Géants connus jusqu'à ce jour.

Le Géant Antonin joint à sa taille phénoménale une élégance relative par ses formes bien proportionnées. Il faisait le désespoir de ses parents qui se demandaient quel avenir lui était réservé, lorsque M. Maréchal ayant entendu parler de sa structure remarquable, l'a engagé, ce qui fut une grande satisfaction pour la famille.

Il y eut plusieurs Géants parmi ses ancêtres. Le grand père de sa mère mesurait, 2 m.10 ; il a eu un cousin qui arriva à la taille de 2 m. 30 il est décédé il y a quelques années d'une embolie au cœur.

Le Géant Antonin est suivi par de nombreux médecins de la faculté de Paris qui l'ont visité. Il résulte que le gigantisme est une véritable maladie. Pour que cet accroissement puisse se faire, il est de toute nécessité que les cartilages épiphysaires des os, contrairement à ce qui se passe en règle normale, persistent la croissance continue, l'allongement du corps se faisant surtout par les os longs ; cette croissance au-delà des limites habituelles s'accompagne souvent par une déformation des jambes ou du corps. Ce qui n'est pas le cas chez le géant Antonin.

Il n'est pas sans intérêt de remarquer que malgré la croissance progressive de ce géant, il n'a aucune déformation. Le secrétaire général de la société d'Anthropologie M Chantre et M. le professeur Lacassagne assistés de M. le Docteur Edmond Locard, préparateur en médecine légale à la faculté ont pratiqué une série de mensurations, sur la stature remarquable du géant Antonin dont ils firent le résumé dans les discours suivants.

Ce géant est en effet un phénomène qui se distingue du plus commun des mortels et qui est un échantillon peu ordinaire de notre race humaine, dit M. Lacassagne.

A part sa main dont certainement l'étreinte est redoutable, ce jeune géant, se présente sous l'aspect d'homme bien proportionné, il n'est ni obèse, ni difforme.

Sa taille est exactement de 2 m. 25 dont 105 de jambes, 94 centimètres pour le tronc - la tête mesure donc à peu près 26 centimètres de hauteur.

De nombreuses mensurations des diamètres céphaliques ont été prises. Elles ont un intérêt purement technique. Bornons-nous à relever la circonférence du crâne qui est de 63 centimètres, la conformation de la tête est d'ailleurs normale à part l'allongement du maxillaire inférieur.

La dentition est bonne, les pieds et les mains ont de dimensions extraordinaires pour son âge.

L'auscultation ne fait découvrir aucun signe de lésion organique au poumon ni au cœur. Il a une force musculaire remarquable étant donné que les géants sont généralement faibles.

Le géant Antonin rappelle bien l'homme primitif de l’époque Gallo-Romaine. Certes, dit le professeur, mais cela ne prouve pas que la race dans son ensemble, était plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui.

D'ailleurs, il résulte, de l'étude d'ossements humains trouvés dans les anciens cimetières de l'époque mérovingienne, que nous n'avons rien à envier sous le rapport de la taille à nos ancêtres des premiers siècles de notre ère. En effet, lors des fouilles faites à Andrésy (Seine-et­Oise), il y a quelques années, le docteur Manouvrier put examiner les ossements de 41 cadavres, remontant à cette époque (28 hommes et 13 femmes), et il arriva à ce résultat que la taille moyenne des hommes devait être de 1 m. 63 et celle des femmes ale 1 m. 52, c'est-à-dire sensiblement égale à la taille actuelle, qui serait plutôt forte.

De fait, si on établissait une moyenne pour toutes les races du globe, cette moyenne serait à peu près celle que donnent nos conseils de révision, laquelle est de 1 m. 645. Sans doute, il y a des races plus grandes, par corollaire, des races plus petites que la nôtre.

Parmi ces dernières, nous rangerons les Esquimaux, 1m. 58 ; les Lapons, 1 m. 63 ; les Négritas des Philippines, 1 m. 50 ; enfin les Akkas de l'Iturie Africain, 1 m. 42. Parmi les grandes races, au contraire, il convient de placer les habitants du midi de la Suède, de la Pologne, de la Livonie, de l'Angleterre et de l'Amérique du Nord, les Tartares Mandchous ou Chinois et les Patagons, qui ont, en général, plus de 1 m. 40 de haut.

Les hommes qui appartiennent à ces dernières races sont de beaux hommes, ce ne sont pas des géants. Encore ceux-ci n'apparaissent-ils jamais qu'à l'état isolé, ce qui montre bien que le gigantisme est une anomalie. M. Caye cite justement parmi les plus célèbres spécimens du genre : Maximilien Miller, né à Leipzig en 1674 qui mesurait 2 m. 74 ; un géant que l'on vit à Rouen vers 1755 (déjà), et dont la taille atteignait 2 m. 59 ; un paysan suédois et un Finlandais cités par Buffon, qui tous deux avaient 2 m. 60 ; un Autrichien, François Winckneloler, qui s'exhiba en 1887 aux Folies Bergères et qui avait la même taille que le Finlandais et le Suédois de Buffon.

Paris se rappelle également le chinois Chang, qui nous rendit visite en 1878 et mesurait 2 m. 49 de haut.

Les femmes géantes sont plus rares que les hommes géants ; leur taille est aussi plus faible en général que celle de leurs confrères à moustaches. Il paraît que la plus grande femme fut une Allemande du prénom de Marianne, qui mesurait 2 m. 65 à 17 ans, et qui, en 1886, fut exhibée à l'Alhambra de Londres, dans une féerie où elle représentait le reine des Amazones. On cite encore une autre géante Suissesse celle-là, et fort jolie, qui a 23 ans mesurait 2 m. 15 de hauteur.

Faut-il conclure de là que le géant Antonin comme Constantin sont des phénomènes perdus dans notre siècle.

Sans ajouter foi aux récits mythologiques, sans croire à l'existence du Gargantua de Rabelais, ou aux géants de l'Orient du moyen âge, il est permis de supposer ,que, sous toutes les latitudes et dans tous les temps, les peuples qui se sont succédés ont eu leurs géants. Tous les auteurs en parlent. Les navigateurs eux aussi, n'ont eu garde de les oublier et c'est ainsi que nous savons par Vanderbroech que le Congo possédait un nègre de taille gigantesque de 3 m.

On a longtemps ignoré les causes du gigantisme. C'est que les cadavres des géants qui ont pu être disséqués sont en fort petit nombre.

Un physiologiste anglais du XIXe siècle, William Hunter, n'arriva ainsi qu'au prix d'un stratagème assez peu scrupuleux à se procurer le cadavre de Patrick O'Brien, géant Irlandais, de 8 pieds 7 pouces, qui avait longtemps promené sa taille phénoménale à travers le monde.

Malgré tout, Hunter ne put découvrir la vraie cause du gigantisme. L'autopsie qu'il pratiqua sur O'Brien ne donna pas plus de résultat que celles qui furent pratiquées sur le cadavre d'un géant de 2 m. 35 et sur le cadavre d'une Lapone de 2 m. 03, dont le squelette est au muséum de Stockholm. C'est à un médecin anglais, nommé le Docteur Dana, qu'était réservé, en opérant l'autopsie d'un géant péruvien l'honneur de découvrir que la glande pituitaire doit exercer une influence profonde sur la nutrition et par suite sur l'accroissement de la taille.

Les expériences faites sur les animaux confirment la justesse de cette théorie.

« La glande pituitaire, dit M. Caye, est un organe situé à la base du cerveau. Chez les individus normaux, c'est une petite substance ronde à peu près de la grosseur d'un pois ; chez les géants, cette glande peut être hypertrophiée. Aussi, suppose-t-on que, par suite de cette hypertrophie, l'action de la glande s'exaspérant, celle-ci n'accomplit pas ses fonctions, et c'est la croissance anormale qui en résulte au grand détriment du sujet ».

Telles sont très brièvement résumées, les principales constatations faites. Elles montrent en dehors de l'intérêt de curiosité gui s'attache à la taille extrême de ce géant un grand intérêt scientifique.

Le géant Antonin, dans ses voyages, éprouve de très grandes difficultés, il fait le désespoir de ses fournisseurs qui sont obligés, pour satisfaire ce client peu ordinaire de recourir à certains moyens des moins en rapport avec leurs professions, qu'on en juge :

A l'Hôtel :

Le géant arrivant, le propriétaire le salue par un recul involontaire, se sentant écrasé, anéanti, à la vue de ce phénomène qui est obligé de se plier en deux pour passer sous les portes.

Dans la salle à manger :

La position que le géant est obligé d'occuper ne rappelle en rien la nôtre. La table et les chaises de taille ordinaire sont pour lui des meubles de poupées ; les genoux dépassent la table de 20 centimètres, il est obligé de se tenir plié en deux, la tête près des genoux, pour pouvoir manger, c'est un véritable amusement de le voir prendre les différents ustensiles, les cuillères et les fourchettes disparaissent entièrement dans ses mains, un couteau semble réduit aux proportions d'un canif, un verre ne semble qu'un dé à coudre, une assiette se perd dans la paume de ses mains. Inimaginable !!

Le géant Antonin est d'une santé parfaite, se nourrit comme tout le monde. D'un caractère gai, il est bon garçon, il rit toujours et ne se fâche jamais. Il répond aimablement et se fait un malin plaisir de vous toiser du haut de sa grandeur.

Les noces de Gamache sont devenues une réalité, prétendait un maître d'hôtel : L'imagination la plus audacieuse reste confondue devant le formidable appétit de ce géant.

Jamais il n'est arrivé à un maître d'hôtel de servir de semblables repas ; qu'on en juge : une immense soupière de potage disparait en un clin d'œil, une sole normande, un lapin sauté, un filet madère, une dinde truffée, 4 livres de pain : l'entremets et le dessert n'étant pas oubliés ne font pas peur au géant Antonin car celui-ci, fin gourmet, est aussi amateur de bons vins que de délicate cuisine.

Il arrive fréquemment qu'en se relevant de table, le géant, au grand désespoir des hôteliers, s'enfonce un lustre dans la tête, ceux-ci placés toujours trop bas pour sa taille.

Dans la chambre à coucher :

Le géant Antonin est toujours la dupe des lits trop petits, aussi les propriétaires d'hôtels s'inquiètent-ils de la façon dont ils pourront coucher ce client extraordinaire et s'écrient en poussant un soupir : Oh, mon sommier ! mais très aimablement le géant les rassurent en leur expliquant qu'il se couche généralement en biais, mettant, soit une table où un fauteuil dans l'angle, du lit pour pouvoir mettre ses pieds dessus.

Quelques fois quand les lits sont trop petits, il fait mettre des matelas sur le plancher.

Chez le coiffeur :

Pour lui couper les cheveux, le géant assis, le perruquier est obligé de monter sur un escabeau.

Chez le tailleur :

Autre difficulté ; le tailleur monté sur un marche-pied a bien du mal à essayer les vêtements du géant, 7 mètres de drap sont employés pour chaque costume.

Chez le cordonnier :

Le plus étonné est sans contredit le cordonnier ; peu    de membres    de cette honorable corporation ont été appelés à fabriquer des chaussures de taille aussi exagérée. Cette pointure a intéressé au plus haut point la grande fabrique « Regal Shoes et Cie » de Philadelphie qui a pris l'engagement de fournir les chaussures du géant sans majorer leur prix.

Chez le chapelier :

C'est avec stupeur, qu'il contemple la grandeur de ce client, dont le tour de tête est de 63 centimètres et se voit dans la nécessité de monter sur une échelle pour lui essayer sa coiffure.

Dans la rue :

Edgard Poe dans ses contes les plus fantastiques n'est jamais parvenu à produire l'impression de stupeur que produit la vue du géant Antonin quand il apparait dans la rue, il ne sait où placer ses pieds sans danger pour les personnes qui l'entourent. Ne peut faire un pas sans être envahi, bousculé et pressé de questions continuellement, ce qui devient pour lui une existence difficile et une gêne continuelle, qui l'oblige à vivre isolé, quoique aimant beaucoup la société. Il aime à faire la partie au café et connaît tous les jeux.

Son mode de voyager :

Depuis qu'il voyage ses idées se sont fixées sur le sport de l'automobile, qu'il a adopté pour parcourir le monde, ce qui lui permet de se soustraire plus facilement au public et de pouvoir respirer tranquillement le grand air ; aussi à l'arrivée et au départ de l'auto les ovations chaleureuses ne lui manquent-elles pas ; très souvent pour éviter les regards indiscrets, il se recouvre d'un immense pardessus et s'engouffre dans la voiture, ce qui fait dire aux gavroches
« Ce n'est pas un homme, c'est un éléphant ! » Sans être de dimensions aussi fantastiques, il n'en est pas moins un véritable phénomène que tout le monde veut contempler.

Comment le géant Antonin s'exhibe :

Ce géant qui constitue un numéro de premier ordre pour les grands établissements de Paris, New-York, Philadelphie, Washington, etc..etc. préfère malgré tout, s'exploiter lui-même, et être libre. Jamais il ne travaille dans les foires. Le genre, forain n'est pas le sien. Il ne se présente que dans les théâtres ou salles des fêtes. Se promène partout et fait des recettes d'or, c'est par milliers les personnes qui sont venues éprouver à la vue de cet imposant personnage une impression qu'ils n'oublieront jamais.

Il est très curieux de voir à cette exhibition l'impression du public et d'entendre, les réflexions de chacun, car depuis le plus petit jusqu'au plus grand, tout le monde veut voir et questionner cet homme à la carrure puissante.

Les uns disent en riant : ce géant doit avoir de hautes pensées, - les enfants croient voir des ogres et se cachent dans les jupons de leur mère ; mais rassurez-vous, jeunes bambins, c'est un ogre de bonne compagnie. D'un autre côté, un orateur bien connu dit : « S'il n'est pas grand par l'éloquence, il est grand par l'imagination des masses ».

Il n'est pas à douter que si la croissance du géant Antonin continue, aucun des géants ne pourra rivaliser avec lui. Je citerai les plus connus :

Wilkins, le géant américain, Beaupré, géant canadien, Ali Hassan, géant égyptien, Ella Ewing, américaine, Machnow, géant russe, Pijackof, géant russe ; Antonich, géant serbe, Arudi, géant espagnol, Delkins, géant anglais, Constantin, géant suisse ; Cot, géant français.

L'anatomie générale du géant Antonin, sa stature et sa conformation dont j'ai donné les détails, lui assurent partout un succès retentissant.

Cette attraction incomparable réalise les personnages fantastiques qui se meuvent dans les contes des grand'mères. Les enfants peuvent en réalité voir ce qu'ils n'ont jamais vu qu'à travers les prismes de leur imagination.

Le géant ANTONIN joint à la plus petite femme et aux plus petits hommes existants, constitue une attraction de premier ordre et unique sur terre, on se voit transporté en un coup d'œil dans les voyages de Gulliver à Lilliput, car s'il n'y a pas de géant plus    grand que le géant ANTONIN, il n'y a pas de Lilliputiens qui soient et n'aient été plus petits que les Colibris BÉARNAIS.

M. Maréchal n'hésite pas à déclarer pour sa part que les résultats obtenus avec sa troupe sont extraordinaires et stupéfiants. Ce n'est que justice que le public le reconnaisse et ne cesse de le dire.

La troupe Gulliver et Lilliput va continuer à voyager et plonger les peuples de tous les pays où ils passeront, dans l'admiration et l'étonnement.


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Une brochure scientifique donnant les comptes-rendus sur les Nains Béarnais, les détails de leur famille est vendue à l'exhibition.
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(texte non relu après saisie, 10.IX.11)

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