Anonyme
Tableau de Paris à cinq heures heures du matin
N°41
(Impr. Lith. PELLERIN et Cie à Epinal)
De la Vilette Dans sa charrette, Suzon brouette Ses fleurs sur le quai ; Et de Vincenne, Gros-Pierre amène Ses fruits que traîne Un âne efflanqué. Déjà l'épicière, Déjà la fruitière, Déjà l'écaillère Sautent au bas du lit. L'ouvrier travaille, L'écrivain rimaille, Le fainéant baille, Et le savant lit. J'entends Javotte, Portant sa hotte, Crier : Carotte, Panais et chou-fleur ! Perçant et grêle, Son cri se mêle A la voix frêle Du noir ramoneur. L'huissier carillonne, Attend, jure, sonne, Ressonne, et la bonne, Qui l'entend trop bien, Maudissant le traître, Du lit de son maître Prompte à disparaître Regagne le sien. Gentille, accorte Devant ma porte Perrette apporte Son lait encore chaud ; |
|
Tandis que sa belle, Que l'amour appelle, Au plaisir fidèle, Feint d'aller au bain. Quand vers Cythère, La solitaire, Avec mystère, Dirige ses pas, La diligence Part pour Mayence, Bordeaux, Florence, Ou les Pays-Bas. « Adieu donc, mon père, Adieu donc, mon frère, Adieu donc, ma mère, - Adieu, mes petits. » Les chevaux hennissent, Les fouets retentissent, Les vitres frémissent : Les voilà partis. Dans chaque rue, Plus parcourue, La foule accrue Grossit tout à coup : Grands, valetaille, Vieillards, marmaille, Bourgeois, canaille, Abondent partout. Ah ! quelle cohue ! Ma tête est perdue, Moulue et fendue, Où donc me cacher ! Jamais mon oreille N'eut frayeur pareille... Tout Paris s'éveille... Allons nous coucher. |