Denis Bogros
(1927-2005)

leaf.gif

Le Cheval arabe

LIVRE II 

Les chevaux du désert et les mœurs des occidentaux
(Vichy, septembre 1991)


I - PRÉAMBULE

Le cheval arabe en Occident :

Les éleveurs occidentaux de chevaux arabes, de non jours, ne sont pas hommes de terrain à de rares exceptions (1). Seul, un certain goût de l'exotisme (2) les entraîne à élever le plus noble des chevaux hors de son berceau, et sans tenir compte du mode d'élevage qui l'ont fait ce qu'il fut ! ... lorsqu'il était D.B.desert bred - formule anglaise qui donne la mesure de l'ignorance, de ceux qui l'emploient quant au monde arabe, et aux mœurs des Bédouins (3), ces arabes errants de la badiya (4) ! La langue de Shakespeare ne supporte pas les idées claires, ni les nuances essentielles - ce qui est bien utile en diplomatie, mais pas en zoologie. Dans la langue de Molière, celle de Voltaire, et précisément à partir du temps des lumières, on écrit avec modestie mais avec sérieux né en Orient.

Les mœurs des Européens :

Les occidentaux, on le sait (voyez le principe de Peter), ont des mœurs particulières qui les poussent à la bureaucratie et à l'impérialisme intellectuel.  Le premier penchant les conduit à fabriquer le stud book, et à déclarer : n'est cheval arabe que le produit qui trace dans ce livre. La seconde propension qui les anime, les a fait imposer au pauvre monde, le label, Stud-Book-Waho. Désormais, les techniciens des pedigrees informatisés font la loi. Ils peuvent déclarer arabe de pauvres animaux qui ne supporteraient pas une selle, et en tout cas, ne feraient pas 12 km au galop sous le cavalier, en course, comme leurs ancêtres au temps du Prophète de l'Islam.

La réaction de la base :
 
Quelques véritables éleveurs ont ressenti la perversion engendrée par ces technologies. Perversion augmentée par des modes d'élevage intensifs (occidentaux), qui multiplient les générations, éloignant les chevaux de show... des origines ! Ceux-là cherchent une autre référence. Leur critère est la plus grande proximité de leurs souches avec les ascendants nés en Orient dans le berceau de la race. L'anglomanie ayant jeté son voile de confusion sur ce petit monde, on parle maintenant de Chevaux du désert. On sait ce qu'en vaut l'aune ! Nous en reparlerons.

Le dérapage du langage :

La réaction des bons éleveurs de chevaux arabes est très saine et nous devons l'applaudir ; mais le mal est dans l'homme avec la vanité, exploitée par un journalisme de mauvais aloi. Dans Cheval Pratique, n° 12, Mars 1991, (page 96 passim), on apprend que le désert a atteint la banlieue du CAIRE ! - Ce qui est grave pour les écologistes du monde entier. - En effet, on y apprend qu'un éleveur, qui dirige un haras appelé - en bon français - Egyptian désert Arabians fait remonter ses origines du désert à EL ZAHARA qui se situe - comme chacun sait - à la périphérie du CAIRE. Cela nous renvoie à Alphonse Daudet qui nous a raconté, pour nous rire l'histoire de Tartarin de Tarascon (Tarascon, à moins de 50 Kms de Saint Hippolyte du Font, site de E.D.A.). Tartarin qui partit à la chasse au lion du désert, dans la banlieue d'Alger, vers Boufarik ! En 1872, Alphonse Daudet avait de la culture et le sens de l'humour. Ce n'est pas le cas des auteurs d'article dans Cheval Pratique en 1991 (5). Laissons là ces tartarinades et reprenons en détail le sujet qui nous intéresse.


II - LE DÉSERT DANS L'IMAGINAIRE DES OCCIDENTAUX

Colonisés par les fantassins romains, qui ce sont bien gardés de pénétrer dans les steppes et déserts, territoires des Cavaliers et des Chameliers, les européens occidentaux ont, au fonds de leur mentalité, un rapport de peur avec les grands espaces ! il en est résulté :

- Un respect mythique pour ces au delà du limes... où chevauchaient les Parthes et les Scythes, les Massyles et les Garamantes.
- Une peur ancestrale de sédentaires, pour les Huns, cavaliers, et autres Barbares.
- Une horreur, non dénuée d'attirance morbide, pour le désert des Tartares.

Cette révérence est devenue ambigüe, lorsque les occidentaux ont hérité de la mythologie juive, à travers la tradition chrétienne. Le désert devint le lieu où se retiraient les prophètes. Il devint cette région aride et inhabitée, si différente de la plantureuse Égypte. Il devint ce désert dans lequel le peuple souffrit durant quarante ans, regrettant son esclavage, bien nourri.

Dès lors, le désert est lié à la traversée, au passage ! Et c'est le lieu où se trouve, et se retrouve : la Pureté !
 
Les Protestants ont fait un grand usage de ce mythe. Ainsi, dans les Cévennes (France), on ce réfugiait au désert, au temps de la persécution des DRAGONS de LOUIS XIV. Ce n'est donc pas, par hasard, si les Anglo-Saxons (6), qui ont découvert tardivement le cheval arabe, en tant que tel (7), ont idéalisé le désert (Comme la nouvelle frontière, mythe cousin germain !)

Avec l'influence culturelle déterminante de la W.A.S.P.S. (8), les éleveurs des États-Unis et leurs clients, derniers venus sans aucun doute parmi les éleveurs du Cheval Arabe, mais aussi les plus puissants, on en est arrivé - par la structure de la W.A.H.O. (8) - à ce que Cheval du désert, terminologie inepte, soit devenue... officielle et consacrée par l'usage (D.B.).

Les Arabes eux-mêmes, qui ont été, ainsi, dépossédés de leur cheval, ont dû admettre cette terminologie fautive. De même qu'ils avaient dû admettre depuis deux siècles le vocabulaire fantaisiste que les occidentaux utilisent pour parler des descendants de : Zader Rakeb, Al-Harun et Dahis, depuis la fin du XVIIIe siècle. (Atq - Akdich - Kochlani - etc.. (9)

Les français dont la langue est précise, ont su faire la différence. Il est vrai que - fait historique remarquable - ils ont conquis le plus grand désert du Monde : LE SAHARA, après la conquête difficile des steppes des hauts plateaux du Maghreb qui bordent ce désert au nord. Pour ce faire, ils se sont mis à l'école des Cavaliers et des Chameliers, arabes (Spahis du Maghreb et Compagnies Sahariennes au XIXe et XXe Siècles - Spahis Tcherkesses (10) au Mashrek (Syrie) au XXe). Ainsi, hommes de terrain, ils ont appris la différence entre (al Khla) le Désert, et (al Badiya) la steppe, et (al Blad) la campagne, le pays, la contrée. Et c'est la raison pour laquelle ils ont écrit dans leurs livres généalogiques : "né Orient", ce qui est totalement acceptable, contrairement, nous l'avons vu, à Desert bred.

CARTÉSIENS, PASCALIENS, VOLTAIRIENS et TEILHARDIENS, les français ne mélangent pas les faits de la physique avec la métaphysique (comme le font les Angles, les Saxons et les Germains, etc..) Ainsi, il s' avère que dire élevé au désert est une ânerie ; né en Orient est la formule juste (bien qu'imprécise).

Mais il faut bien vivre dans le monde tel qu'il est ! Aussi, nous admettons que dans notre élevage français les chevaux du désert désignent ceux qui sont nés et élevés dans le berceau de la race arabe, suivant le mode d'élevage bédouin. Par extension : on considèrera que les produits qui ont beaucoup d'ascendants nés en Orient (N. O.), aux générations les plus proches, sont chevaux du désert !!

Ceci est une approche moderne des racines (comme l'on dit aujourd'hui) du cheval arabe élevé en Occident. Née d'un concept de la culture franco (11) - romano - chrétienne (12), cette approche intègre les générations passées aux présentes, et à celles à venir, dans un Espace-Temps qui suggère une communion entre elles. C'est aussi une conception très arabe du temps. C'est pourquoi les écrits français sur le cheval arabe font toujours apparaitre - grâce à notre Stud Book, pour cette race, qui est le plus ancien dans le monde (19) - dans nos pedigrees : le rattachement de nos produits arabes... au berceau de la race  ! Cela... est une règle française.

Il n'en est pas de même, dans la culture matérialiste anglo-saxo-presbytérienne à laquelle, curieusement, pour des raisons commerciales, et sans doute de matérialisme marxiste, s'est ralliée la Pologne de l'après deuxième guerre mondiale. Pays qui fut le fournisseur d'arabes des Anglo-américains, bien avant l'Égypte !
 
Dans ce système (13), l'exposition (comme aurait dit Abu Bekr ibn Bedr = El Naceri) des liens familiaux est inversée ! On ne cite pas ou peu, ou mal, les généalogies qui ramènent aux origines pures  (comme le veut le système arabe : heariq memsub). Non ! on part d'un oriental : mâle ou femelle, acheté aux arabes - au mieux en Arabie ! On en fait un chef de lignée ; à partir de là  - les Arabes ayant été expropriés - on nationalise la lignée. Elle est anglaise ou polonaise (?)... Alors, elle se répand dans le monde des nantis, où l'on exporte toutes ses merveilles : les produits de ces arabes occidentalisés (gros et gras). Tout est tourné vers le commerce - le contraire de la mentalité des arabes bédouins. Il faut avouer que, pour un amoureux du cheval arabe, fruit d'une civilisation, la lecture de ces articles (13) sur les lignées anglaises et polonaises est insupportable. C'est une manifestation typique de la mentalité et des mœurs des Occidentaux.


III - LE BERCEAU DE LA RACE ARABE

A la fin du XIXe siècle, quand les Blunt commençaient seulement leur carrière d'orientaliste (1873, premier voyage à Constantinople), qui devait les conduire à devenir les découvreurs anglais du Cheval Arabe... les continentaux, et les français en particulier, le connaissaient depuis un siècle déjà.

En effet, NIEBUHR (14), le saxon, avait fait connaitre - dès 1772  (Copenhague), et en français - (édité à Paxis) en 1779 (Description de l'ARABIE) - sa découverte en MÉSOPOTAMIE du Pur sang arabe, sous son nom moderne, qu'il écrivait : Kochlani, mais que Bourgelat transcrivit en Kehilan (Le Kohelan). « Les Kochlani sont principalement élevés par les bédouins, entre Basra (-) et la Syrie... » (citation de Niéburh, 1779)

En outre, tout le monde sait que Bonaparte avait apporté les lumières de la Grande Révolution, à l'Égypte et à la Palestine (avec le colonialisme) en 1798 et 99. Il y avait découvert le premier cheval de sang.

Ainsi, l'Histoire a fait des français les plus compétents des occidentaux en matière de race arabe. La preuve en est qu'ils furent et restent les seuls à avoir, parfaitement, défini les berceaux de la Race. C'était en 1884.

Le rapport Cormette (voir annexe 1) est à cet égard un document fondamental qu'il faut étudier. Il affirme d'abord : « que le cheval arabe est toujours l'expression de la civilisation qui le produit (-). Au contraire (-) il s'altère par (-) un mode d'élevage vicieux » (le mode pratiqué par les sédentaires) (voir les annexes 2 et 3).

Puis il désigne les berceaux de la race : La Syrie (qui comprend le Liban), la Mésopotamie (qui comprend l'Irak) et le pays connu sous le nom générique de NEDJD. (L'Arabie). Tout cela est d'une grande clarté et conforme aux recherches historiques les plus sérieuses : « ... La race Syrienne (-) que nourrissaient les pâturages (-) steppique (s) (de la Badiyat - ach - Cham = la Syrie) s'étendit à l'époque musulmane, vers le Nedjd, région des hauts pâturages de l'Arabie centrale ». (citation de Maurice Lombard) (op. cit.)

On remarquera que l'Égypte n'est pas : « berceau de la race » ; mais que les villes, qui se situent à la périphérie de l'ensemble des berceaux, telles que Constantinople et Le Caire, ont toujours été des lieux de transit des exportations. Stricto sensu, au plan historique, l'arabe égyptien n'existe pas ! en tous cas, il n'est pas du désert, qui signifie en vérité du Berceau !
 
De ce berceau, et inscrits dans les 28 premiers tomes du S.B.F., sous la formule né en Orient,  Madame de Blomac a recensé : environ 500 étalons importés en France par 20 missions des Haras Nationaux et 220 importés en ALGERIE, TUNISIE et MAROC par le Service de la Remonte (militaire) de 1800 à 1925 pour les premiers et de 1884 à 1941 pour les seconds (15). Quel beau palmarès ! (L' Arabe - premier chevet de sang - op. cit. p. 184-185)

LE RAPPORT MADRON

Pour clore ce chapitre, il faut citer la dernière mission envoyée par les Haras Nationaux en ORIENT. C'était en 1925 ! elle était dirigée par l'Inspecteur Général Rieu de Madron, qui en a fait le récit dans un remarquable document. Il faut le lire pour comprendre ce qu'est l'ARABE du désert, c'est à dire né en Orient !

Page 51 : « J'ai (-) parcouru de vastes pays pour ne récolter que douze animaux, la fatalité ayant permis que nous perdions en route le plus beau de notre lot Syrien ». Madron importa donc onze arabes : deux juments, neuf étalons.

Juments - 1 - Chagra Msiela de la plaine d'Alep, - 2 Soueida du djebel Druse
Étalons - 1 Deir Hafix du sud d'Alep. « Les étalons, à l'exception d'un seul (Deir Hafir ci-dessus) sont tous dues Anezeh, dont cinq viennent de la grande tribu des Sbaa et trois de la tribu si renommée des Feïdhan ». - 2 - Azem, tribu Sbaa, - 3 - Soukné, tribu Sbaa, 4 - Deïr ez zor, tribu Feidham, perfomer, - 5 - Nahr Betik, tribu Sbaa, perfomer, 6 - Hamdani Rose, tribu Feidham (a couru à Beyrouth et en Égypte), - 7 - Dain, tribu Feidhan (a couru en Égypte), - 8 - El Sbaa, tribu Sbaa (a couru en Égypte), 9 - Selimieh, tribu Sbaa.

Page 46, Madron explique comment il a acheté les performers dans les écuries d'entraînement, en Égypte ; mais, tous, chevaux nés et élévés au désert en Syrie ! C'est pourquoi il est fautif d'écrire que la mission Madron a ramené des arabes d'Égypte (Ils n'y étaient qu'en transit).

Page 1, Madron écrit - rejoignant Cormette - « La race chevaline Arabe .. (-) Son berceau se trouve dans la partie septentrionale de l'Arabie, au Nord du Djebel Chammar ». C'est à dire, au Nord du parallèle AKABA KOWEIT : C'est la Grande Syrie  : Palestine - Jordanie - Irak -Syrie - Liban - Nord Royaume Saoudien.


IV - L'ILLUSION ÉGYPTIENNE

Comme nous venons de le voir l'Égypte (16) n'est pas dans le berceau de la race arabe. Ce pays n'est même pas une région naturelle d'élevage du cheval. De ce fait, les arabes Égyptiens - qui, par, ailleurs, ont un beau profil – ne peuvent, en aucun cas, être classés « du désert », selon la formule douteuse, mais consacrée par l'usage.

Deux ouvrages font autorité sur, l'élevage du cheval arabe en Égypte :

1 - Le Naceri - Traité complet d'Hippologie et d'Hippiatrie arabes, d'Abou Bekr Ibn Bedr (8e siècle de l'hégire, c'est à dire début XIVe A.C.) traduit de l'arabe par le Docteur PERRON - (ancien directeur de l'école de médecine du Caire) - Paris 1852.

2 - The Royal Agricultural Society (devenue après la révolution de 1952 : The Egyptian Society (17) - Founded 1898 – History of R.A.S.'s Stud of authentic Arabian Horses par le Docteur Abd el Alim Ashoub - Directeur de la Section de l'élevage. Ed. Le Caire 1948.

Ces livres nous renseignent sur la véritable histoire du Cheval arabe en Égypte. La voici :

Au XIVe siècle, le sultan Mohamed El Nacer, ibn Kalaoun, auquel est dédié le premier ouvrage, d'où son nom, était le deuxième roi d'Égypte de la première dynastie Mamelouke. Il monta sur le trône à 25 ans et régna 40 ans. Il mourut en 1341. Citons (traduit par Perron op. cit. Tome 1) le manuscrit arabe de la B.N. N° 673 : « Description du Caire et de l'Égypte », de Makhrizi (fin XIVe - début XVe siècle) - citation : « El Nacer (-) aima de passion les chevaux arabes. Il s'en faisait fournir pan la tribu des arabes Beni Mouhanna, par celle des arabes Beni Fadl, et autres, toutes tribus Syriennes ». (Burkhardt classe les Beni Mouhanna dans la confédération des Anazeh). Le Docteur Perron, qui fut « cairote » fait le commentaire suivant, en 1852 : « Ce fut El Nacer qui (-) introduisit sur les bords du Nil le cheval arabe (-). Malheureusement (1852), il n'en reste plus que le cheval égyptien actuel, pauvre résultat... »

C'est aussi l'avis du Docteur Ashoub (op. cit.), un siècle plus tard (1948) : « ... aucun de ces chevaux (du Roi El Nacer) n'ont donné de descendance valable. Ce n'est qu'au commencement du XIXe siècle que, heureusement pour l'Égypte, Mehemet Ali le Grand, recommença l'importation en Égypte des plus pures et authentiques familles de chevaux d'Arabie » (18). Ces importations en Égypte furent poursuivies par ses fils : Ibrahim Pacha - Le prince Toussun - et par son petit-fils Abbas Pacha I. Mais, en 1897, les responsables égyptiens (sous colonisation anglaise !) ont dû constater qu'il ne restait : « que peu de choses des quelques centaines d'étalons et jument achetés et élevés durant le XIXe siècle » (op. cit.)

C'est pourquoi fut fondée en 1898 : The Breeding Section of the Royal Agricultural Society. Il était urgent de prendre en main l'élevage du pur sang arabe dans une structure quasi étatique, puisque, en Égypte il n'y a pas de population cavalière nomade élevant ce cheval. Il n'y en a jamais eu, comme le prouve l'Histoire des grands Rois musulmans de l'Égypte que nous venons d'étudier : au XIVe siècle, le, Sultan El Nacer ; au XIXe, le Khedive Mehemet Ali.

En ce début du XXe siècle, il n'existait pas de Stud book Égyptien (19). Les Anglais, les Colonisateurs, n'avaient une Arab horse Society que depuis 1918 ; elle édita un S.B. Arabe en 1919 seulement. Seuls quelques notables conservaient des chevaux arabes, nés en Syrie, dans leurs écuries. Les Livres d'écuries étant plus ou moins bien tenus, on cite les écuries de : Abbas Pacha I, du Prince Toussum et bien plus tard du Prince Saïd et du Roi Fouad I.

Cette situation précaire nécessitait une nouvelle initiative. Ce fut en 1928 la création du Haras d'élevage (20) de la Royal Agricultural Society. Il fut installé à KAFR Farouk, à 20 Km du Caire ! avec un Stud Book (le premier en Égypte). Son but : renouveler l'élevage du P.S. Arabe dans ce pays, où il avait plusieurs fois dégénéré, dans l'Histoire Moderne et contemporaine (21).

Vingt ans après, en 1948, le Docteur Ashoub, directeur de cet établissement, écrivait, sans modestie, l'histoire de ce haras (op. cit.) : « Le Haras de la Société Royale d'Agriculture peut défier n'importe quel haras du monde pour le type et la qualité » Bravo ! on peut l'admettre, comme on le fait  pour d'autres établissements d'élevage de l'arabe, en Pologne, en Russie, ... etc... 42 ans plus tard, ce jeune haras a de bons clients de chevaux de « shows » en occident !

La vérité est la suivante : il n'est pas possible de classer les produits de l'Egyptian Agricultural Society (17) parmi les « Arabes du Désert ». Les Egyptiens, qui sont intelligents, sinon modestes, qualifient leurs chevaux non pas de : « Desert bred arabian horses », mais de « Authentic Arabian Horses » (cf. page 25).

Nous reparlerons du berceau d'où viennent les véritables chevaux du désert, terme impropre, mais admis. Pour lors, arrêtons nous sur quelques souches françaises, qui, elles, sont très proches du désert !


V - LES CHEVAUX DU DÉSERT EN FRANCE EN 1991

En France, quelques éleveurs ont rejeté les modes d'approche du cheval arabe de l'idéologie (22) anglo-américaine et de leurs clients de l'est et du nord du Rhin. Une minorité d'éleveurs français - the happy few (23) (de Stendhal) - suivant le chemin tracé par le regretté Robert Mauvy (24) ont recueilli le magnifique héritage des missions qui de 1779 à 1945 sont allées chercher les P.S. arabes dans le Berceau. Des éleveurs qui ont fait naître et prospérer les produits de ces géniteurs dans le sud de la France et au Maghreb, pays où la race se conserve le mieux.

Ainsi, notre ami Jean Deleau, élève, dans ces pays, des chevaux arabes depuis 1964. Ses juments de base proviennent toutes des chevaux achetés par ces misions françaises - militaires ou civiles - au Moyen Orient. Ces juments ont été saillies par des étalons de la même origine : celle dite « du désert » ! De la même façon, chez nos amis Koch et Beillard, on trouve de nombreuses origines d'orient. Leurs  « papiers » sont remplis des noms des étalons venant directement du berceau, ou après un transit dans les villes de sa périphérie, déjà signalées dans Le rapport Cormette (Annexe 1). De Venture (1895) à Ghalbane (1945), de Ghazi (1901) et Ibech (1902) à Bango (1923) en passant par Tamerlan, Latif, Meenak, Kouri... et bien d'autres. (25)

Il faut comparer (voir les annexes (4 - I.2.3.4.) les pedigrees types de ces élevages arabes, avec le pedigree de l'arabe né en Pologne en 1953 et proclamé « le plus fameux... ». Il s'agit de Comet.
 
On note des différences révélatrices :

- Chez Le « Polonais » : du berceau de race (N.B. = né dans le berceau), on trouve seulement 1/ père (N.B.) à la 3e génération - 2/ (N.B.) à La 4e, et 3/ (N.B.) à la 5e génération (dont Chérine qui a conçu Guenina, mère de Bad, arrière grand-mère de Comet, à Tiaret - dans la steppe des hauts plateaux d'Algérie ! - Au total 6 N.B. ! (19)

- Chez les arabes « français », faisons les comptes :

- RIHYA, appartenant à M. Deleau, né 15 ans après Comet, nous comptons dans les 5 premières générations 8 N.B.
- BAROUD, appartenant à Mme Koch, né 16 ans après Comet : 8 N.B. Dans les 5 premières générations.
- MOULOUKI, appartenant à M. Beillard, né la même année que Baroud, nous comptons 13 N.B. Sur les 4e et 5e générations ; sans compter bien sûr, Ibn Fayda qui est égyptien.

Que le lecteur juge la différence (au passage notons que le papier d'ALHABAC né en 1956 en Espagne, importé en France en 1969, ne comporte que 5 N.B. Sur 5 générations !


VI - LE RETOUR AUX SOURCES

L'émigration des chevaux arabes hors du berceau, et leur élevage, selon des modes totalement différents de celui pratiqué traditionnellement par les Bédouins, est cause de la dégénérescence actuelle du sujets inscrits dans les stud-books occidentaux (sauf exception). Il faut revenir aux sources :

1.- Au mode d'élevage bédouin - C'est, sans contredit, une première façon d'entreprendre la régénération de la race. A cet égard, nous sommes tous en faute, au Sud comme au Nord, dès lors que nous élevons le plus noble des chevaux, en gros effectifs, dans des boxes, et sans amour personnalisé ! Sur ce sujet, il faut lire le compte rendu d'un voyage d'étude en Tunisie (1989), que nous donnons (extraits) en annexe 3 (grâce à l'obligeance de MM. Rajot et Beauduin).

2.- Il faut revenir, et c'est urgent, au véritable berceau de la race (défini en annexe 1 depuis 1884). Actuellement, dans ce berceau, seule La Syrie a fait un travail de mise à jour du gisement des P.S. Arabes bédouins (voir l'annexe 2). Cette nouvelle nous a été transmise en Avril de cette année par le Docteur Catahier - Qu'il en soit remercié.

A cette occasion, mon vieil ami Jean Deleau me téléphonait : « La création du Stud Book Syrien et sa reconnaissance par la W.A.H.O... Depuis 25 ans c'est la meilleure nouvelle pour la race arabe dans le monde ». Il a raison ! Il y a encore des arabes bédouins qui élèvent le plus parfaits des chevaux (Saffinat ij jiyyad) dans le sanctuaire oriental. Telle est la bonne nouvelle. Là-bas sont les véritables arabes (dits) du « désert ». Dans les badiyat ach cham où ils sont préservés de toutes les impuretés engendrées par : LES MOEURS DES OCCIDENTAUX.
 
3.- Enfin, il faut revenir aux Courses !!! Comme c'est le cas en Algérie où les courses prés du Grand Désert sont développées (voir annexe 5) ; c'est l'avenir de la race pure qui est en jeu !


NOTES :

(1) Lady Blunt, il y a plus d'un siècle, était une exception - voir ses récits de voyages en Syrie (Euphrate) et dans le Nedjd (1879-1881).
(2) Certains, spécialement les Anglo-saxons et leurs imitateurs, poussent le mauvais goût jusqu'à se déguiser en orientaux pour présenter leurs occidentaux ! (Le mal a atteint la France en 1991).
(3) Bédouin = habitant nomade de la Badiya
(4) Badiya : steppe qui s'étend, du désert, où toute vie pérenne est exclue, à la campagne cultivée. C'est dans les paturages d'hiver du Badiyat achcham que la race syrienne est née dès l'époque romaine (d'après Lombard : L'Islam dans sa première grandeur - Paris 1970). C'est dans les paturages d'été de la Mésopotamie (Djeziret al arab) de Bassorah à Alep que Niebuhr a decouvert le Kohelan (l'Arabe pur sang) à l'époque des Lumières.   
(5) Dans un article paru dans la même revue, numéro 16, livraison de juillet 1991, le même auteur confond le chevat barbe et le cheval arabe (?). C'est dire le niveau de culture hippique de cette publication. Le Secrétaire Général de l'Onganisation Mondiale du Cheval Barbe a d'ailleurs adressé une protestation au Directeur de Cheval Pratique (Lettre n° 27/SG - OMCB - datée d'Alger le 18.7.91).
(6) A l'exception d'un seul : Niebuhr, qui était saxon.
(7) En effet Darley, Bierley, Godolphin n'étaient pour eux que des géniteurs orientaux (Arabe (?), Turc (?), Barbe (?) ). Ils ne se préoccupèrent pas sérieusement de leurs origines... mais cela c'est l'Histoire du cheval de course anglais ! A ce propos, tout homme de de cheval doit lire le dernier ouvrage de Madame de Blomac : La gloire et le jeu - Fayard, 1991. La première édition du S.B. Arabe Anglais date de 1919. Avant on avait ouvert en 1877 une section arabe pour les chevaux des UPTON et des BLUNT dans le General Stud Book, de Weatherby.
(8) W. A. S. P.S. = White Angto Saxon Presbyterian Society. - W.A.H.O. = World Arabian Horse Organisation .
(9) Voir L'Arabe, premier cheval de sang.- Crépin-Leblond, Paris, 1978. - Page 15.
(10) Le Régiment des Tcherkesses du Colonel Collet fut un des premiers à rejoîndre les Forces de la France Libre du Général de Gaulle en 1942.
(11) FRANC - Faut-il rappeler à des éleveurs d'arabes, qui sont censés connaître la civilisation arabe, que celle-ci, au temps de sa grandeur, a toujours appelé les occidentaux européens : Les Francs (les européens occidentaux orientaux, grecs et autres, ont été appellés : Roums).
(12) Faut-il rappeler que le christianisme s'est enraciné autours de la Méditerranée, dans et par l'Empire Romain ?
(13) Voir les publications polonaises sur la production de l'arabe en Pologne : Société Animex, import et export de chevaux. Voir The Arabian Horse par Summerhay, ex président de l'Arabian Horse Society, publié en 1969 et The Crabbet Arabian Stud par R. Archer, 1978.
(14) Mon ami, le Docteur Catahier, français né à Alep, dans le berceau de la race du Premier cheval noble du monde, me signale : que c'est un français, Le Chevalier d' Anxieux, qui a découvert l'arabe dans les temps modernes, ayant publié en 1665 une description du P.S. Arabe !
(15) Dès 1842, le Service de la Remonte militaire, créé en 1831 au Ministère de la Guerre, envoyait une mission en Orient dirigée par le colonel Reyau. Elle ramena 12 étalons arabe. Bugeaud était alors gouverneur de l'Algérie depuis fin 1840. En 1844, il faisait créer, par décisions ministérielles, les 3 premiers dépots d'étalons (au Maghreb) du Service de la Remonte : Mostaganem (Oran), Bouffarik (Alger), Lallélik (Bône).
(16) Sauf le désert du Sinaï où le prophète Moussa reçut le décalogue.
(17) La R.A.S. est devenue l'E.A.S. en 1952 - Puis l'E.A.S. est devenue l'E.A.O., Egyptian Agricultural Organisation (décennie 70).
(18) Arabie, pour un arabisant - ce qu'est le Docteur Ashoub - signifie : toute la région qui s'étend de la Mer Rouge au Golfe des Arabes (Persique pour les européens) et au Tigre. C'est à dire le berceau défini par la 3° République française !! Cette citation, d'un égyptien de culture anglaise, laisse entendre que Napoléon Bonaparte n'avait pas trouvé de véritables arabes en 1798-99.... polémique ! question ?
(19) La France possède un Stud Book dans lequel sont inscrits les arabes nés en Orient (N.O.) depuis 1833. Il a édité 28 tomes de 1833 à 1945, dans lesquels sont inscrits les arabes ramenés d'Égypte et Palestine, par le corps expéditionnaire français en Égypte depuis 1800 (cf Blomac op. cit. p. 184-185). Alors que le Stud Book arabe anglais date de 1919 ; alors que le S.B. polonais, édité pa la Société d'élevage du chevat arabe fondée en 1926 date de 1932 !
(20) Ce haras de la R.A.S. qui deviendra la l'E.A.S. (puis E.A.O.), situé  dans la banlieue du Caire, est donc moins ancien que ceux de TIARET -1874 en Algérie, de SIDI THABET – 1883 en Tunisie, de MEKNES - 1925 au Maroc, succédant à la Jumenterie de TEMARA, créée en 1912) .
(21) En effet, fin XIXe, il ne restait que peu de chose en Égypte (Blomac - op. cit. p. 239) « Vers la fin de 1871, MM. Lagrange-Labaudie et de Grany (-) partirent pour l'Orient (-). La mission passez par l'Égypte oà elle ne trouva rien, que des chevaux venant d'Europe ! Elle s'installa en Syrie...  » 
(22) Idéologie = système de pensées... (nous l'entendons à la manière de Dumézil).
(23) Il y en a quelques autres que ceux que je cite. Ils me pardonneront de ne pas le faire. En effet, je ne possède pas le pedigree type de leurs  souches !
(24) Mon ami Robert Mauvy me disait en 1969 : « Aller au Nond pour chercher des chevaux arabes est une aberration (c.a.d. une déviation du bon sens). Tout te monde devrait savoir que le berceau de la race est en Orient; au bout de la Méditerranée. »  (C'était à Saumur un vendredi matin, après la reprise des Écuyers, à laquelle il avait assisté.)
(25) Ces décomptes de N.B. (né dans le berceau) sont faits sous ma responsabilité, et sauf erreurs.... qui ne peuvent être que négligeables. Attention : je compte sur 5 générations - Celle du produit étant comptée : ZÉRO !



ANNEXES

1 - Rapport de H. de Cormette et Arrêté – 5.7.1884 - « Les berceaux de la race pure arabe »
2 - L'élevage Bédouin du Pur Sang Arabe, en Syrie
3 - L'élevage Bédouin du Pur Sang Arabe, en Tunisie
4 - PEDIGREES :
1 - RIHYA à M. DELEAU
2 - BAROUD III à Mme KOCH
3 - MOULOUKI à M. BEILLARD
4 - COMET ... (polonais)
5 - L'élevage du Pur Sang ARABE en Algérie
6 - Nomenclature des noms des chevaux arabes des Bédouins



ANNEXE 1


Paris, 5 juillet 1884

Rapport à Monsieur le Ministre de l'Agriculture

Monsieur le Ministre,

J'ai l'honneur de vous demander, en ce qui concerne les conditions d'inscription des étalons, juments ou produits arabes au registre-matricule de la race pure une modification aux dispositions arrêtées par le Ministre du Commerce, sur la proposition de la Commission de ce registre, pour l'exécution de l'ordonnance de 1833.

Depuis cette époque, les rapports plus fréquents avec l'Orient, les renseignements plus précis fournis par les voyageurs, les différentes missions envoyées depuis cinquante ans par les gouvernements, européens, ont fait mieux connaître la population chevaline de ces contrées. De plus, l'expérience acquise par les essais suivis dans les principaux haras d'Europe et notamment dans celui de Pompadour, ont appris toute l'importance qu'on devait attacher à l'emploi exclusif d'étalons et de juments de race pure, aussi bien pour la reproduction de la race en elle-même que pour son application à l'amélioration des espèces métisses. Afin d'atteindre ce but, il est nécessaire de désigner les pays où peuvent se trouver encore des reproducteurs ayant conservé la pureté du sang, Des éléments nouveaux introduits par la civilisation sont venus en effet entacher lentement mais sensiblement de bâtardise des variétés primitivement pures, comme nous l'avons vu notamment pour les familles turque, Barbe et persane, aujourd'hui en complète décadence par suite des innombrables croisements auxquels elles ont été livrées.

Les voyages de Niebuhr, de Burkardt, de Pulgrave et de Lebon, les rapports des agents des haras envoyés en mission en Orient, s'accordent à reconnaître que le cheval arabe est toujours l'expression de la civilisation qui le produit. Il est la propriété des tribus belliqueuses et nomades du désert qui s'en servent pour leurs migrations et leurs razzias, ce cheval est encore de haute valeur et de grande race.

Au contraire, s'il appartient à des populations sédentaires, plus ou moins attachées au sol, il n'est plus guère qu'un objet de commerce et, dès lors, il s'altère par des accouplements incorrects et un mode d élevage vicieux.

Aujourd'hui, les berceaux de la race pure arabe sont compris entré la chaîne du Taurus et la Méditerranée, au nord ; le canal de Suez et la mer Rouge, à l'ouest ; le golfe d'Aden et la mer d'Oman, au sud ; le golfe Persique et le Tigre, à l'est et se composent de la Syrie,  de l'Al-Djezireh ou Mésopotamie et de l'Arabie qui se divise en cinq grandes provinces : l'Irak, le Hauran, l'Hedjaz, l'Yemen et l'Hadramaout, patrie du cheval arabe, plus vulgairement connue sous le nom générique de Nedjd.

Mais, si l'on ne doit admettre comme appartenant à la race pure que les individus originaires de ces contrées, il ne s'ensuit pas qu'on ne doive pas les acheter partout où on les trouve, à condilion d'établir clairement leur provenance. On rencontre, en effet, assez fréquemment dans les grandes villes d'Orient comme Alexandrie, le Caire, Smyrne et Constantinople, dont aucune n'est en pays arabe, des chevaux de pur sang très authentiques que ramènent, soit les pachas rappelés des vilayets où ils ont commandé, soit les voyageurs, les solliciteurs et surtout les pélerins à leur retour de La Mecque.

On devra, exiger à l'avance le certificat d'origine constatant comme d'habitude, le nom de la famille dont le cheval est issu (Saklaoui, Hamdani, Abou-Arkoub, etc.).

Les certificats,  dont le style pompeux et imagé nous surprend et dont l'authenticité semble parfois contestable, offrent, en réalité, de sérieuses garanties. Un Arabe du désert, un cheik de vie aventureuse ne voudrait pour rien au monde se parjurer sur l'origine d'un cheval, parce que, d'après ses idées religieuses, c'est lui-même qu'il frapperait. Quand un Arabe écrit : tel cheval est de telle lainille, est né dans telle tribu, et que, sous cet écrit, il appose le cachet portant son nom, on peut le croire ; son attestation vaut celle que donne M. Weatherby pour la race de pur sang anglais.

Telles sont les considérations qui ont engagé unanimement la Commission du Stud-Book à exprimer le vœu d'une modification aux dispositions adoptées en 1833.

Je m'empresse de m'y associer en vous proposant de prendre l'arrêté ci-annexé.

Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage de mon respectueux dévouement.

Le Directeur des Haras,
H. DE CORMETTE.


Paris, 5 juillet 1884.

Ministère de l'Agriculture

Arrêté

Le Ministre de l'Agriculture,

Vu les dispositions arrêtées par le ministre du Commerce, sur la proposition de la Commission du registre-matricule pour l'exécution de l'ordonnance du 3 mars 1833 ;

Vu les conclusions prises à l'unanimité par la Commission du Stud-Book, le 4 juin 1884 ;

Sur le rapport du directeur des haras,

ARTICLE PREMIER

Les étalons, juments et produits arabes importés en France ne pourront être tracés désormais au Stud-Book Français que s'ils proviennent des pays d'origine compris dans les limites suivantes : la chaîne du Taurus et la Méditerranée, au nord ; le canal de Suez et la mer Rouge, à l'ouest ; le golfe d'Aden et la mer d'Oman, au sud ; le golfe Persique et le Tigre, à l'est ; c'est-à-dire dans la Syrie, l'Al-Djezireh ou Mésopotamie et dans l'Arabie, composée de cinq provinces : l'Irak, le Hauran, l'Hedjaz, l'Yemen et l'Hadramaout.

ART. 2

La Commission du Stud Book ne pourra opérer cette inscription que sur le vu des Hudjes ou certificats d'origine indiquant le nom de la famille dont le cheval est issu et le nom de la tribu où il est né.

ART. 3

Les chevaux, juments et produits arabes issus d'ascendants déjà inscrits, continueront d'être tracés sur la déclaration signée des propriétaires indiquant la filiation, déclaration visée par le directeur des haras ou du dépôt d'étalons de la circonscription.

ART. 4

Toutes dispositions contraires à celles qui précèdent sont abrogées.

J. MÉLINE
Fait à Paris, le 5 juillet 1884.


ANNEXE 2

PUR SANG ARABE

Le Dr Catahier a fait parvenir à Denis Bogros une volumineuse et intéressante documentation sur le Pur Sang Arabe en Syrie de nos jours. Notre Vice-Président en a tiré le résumé suivant, qui contient les données essentielles susceptibles d'intéresser nos lecteurs. Que Mr Catahier soit remercié de sa collaboration.

L'élevage bédouin du Pur Sang Arabe en Syrie

Par le Docteur Serge Salmane Catahier, né à Alep (Syrie) en 1930, Docteur en Médecine de l'Université de Paris, Professeur agrégé de la Faculté de Médecine d'Alep. Citoyen français depuis 1981, le Dr Catahier a conservé de nombreux contacts avec les éleveurs syriens. Auteur d'ouvrages sur la médecine, les arts et le théâtre arabes, il est membre de l'Asil Club et de Cheval Libre.

La Syrie a une superficie de 185.000 km2. Elle est entourée par la Turquie au nord, à l'est par un désert qui la sépare de l'Irak, au sud par la Jordanie et la Palestine, par le Liban et la mer à l'ouest. Son désert fait partie du grand désert de la Péninsule Arabique (qui va du golfe d'Aden à Diyarbakir, zone de peuplement des fils d'Abraham par Ismaël). Dans ces vastes étendues les frontières n'existaient pas pour les bédouins - « Al bedwiyin » ou « Al areb », nomades des « badiyat », c'est à dire les campagnes pré-désertiques ou steppes du sud semi-arides (le désert total ou « khla » qui doit se prononcer avec la rota : rla, étant traversé mais jamais habité par définition).

Cependant, selon la coutume européenne, on appelle « désert » cette steppe dans laquelle a été sélectionné le plus beaux des chevaux : l'Arabe. Ce « désert » syrien est bordé au nord-est par la Mésopotamie (le pays « entre les fleuves », le Tigre et l'Euphrate), région assez fertile qui possède des pâturages quasi pérennes. C'est pourquoi, dans le passé, les bédouins y venaient chaque année faire paître leurs troupeaux. De nombreuses tribus se sont fixées en ces lieux. Pour mémoire : les Shammar, Tay, al Jabr, et la célèbre confédération des Anazé, avec les tribus des Ruella, des Feddane, etc...

Rappelons que c'est dans cette région, de Bassorah à Alep, en passant par « l'île d'Ibn Omar » (la Mésopotamie), que le saxon Niebuhr découvrit le Kohelan en 1766 (Description de l'Arabie - 1772). Après lui, le Polonais Rzewuski (1817), les français de Portes et Damoiseau (1820), les anglais Blunt (1877), (Ier voyage), le français Madron (1924), l'allemand, Raswan (1927)... et bien d'autres, ont repris le chemin de la Syrie pour y chercher les véritables chevaux Arabes dits du « désert ».

De nos jours les bédouins de Syrie élèvent encore leurs chevaux selon le mode des nomades, et gardent jalousement leurs meilleurs produits. Bien sûr, sous l'effet du modernisme, une partie des bédouins s'est fixée près des bourgades. Mais, s'ils habitent des maisons, ils gardent leurs tentes dressées à proximité, avec attachées devant elles leurs juments qui frémissent dans le vent de la steppe...

En Syrie, la région que a gardé ces traditions et qui possède les meilleurs chevaux P-S. Arabes, est celle qui a pour chef-lieu Hama. Ville très ancienne, sur la rivière Oronte, elle est divisée en une cité : Al Hadhar, et un marché : Al Souk. Ce souk est immense, car il est occupé dès le printemps par les tentes des bédouins venus du « désert » limitrophe. Ils viennent vendre leurs produits : lait, beurre, laine, tapis, moutons, dromadaires et bien entendu...des chevaux ! MAIS ces derniers ne sont pas là !!

Si donc on veut acheter un cheval, il faut d'abord trouver l'intermédiaire (le guide), en général un commerçant. Il vous conduira vers le bédouin, son correspondant. Alors il faudra partir, après la fin du marché, au « désert » où se trouve le campement de la tribu. Là on trouvera les chevaux.

Nous avons signalé qu'il existe quelques éleveurs citàdins. Mais un puriste préférera, n'en doutons pas, aller dans la steppe !

En 1983, un comité fut créé pour examiner la situation du P.S. Arabe en Syrie. Grâce à l'impulsion de la W.A.H.O., une commission commença à établir un stud-book, officiel en 1986.

Elle s'est heurtée à la résistance des éleveurs qui selon la véritable tradition arabe gardent précieusement leurs chevaux - presque en secret !

En 1988, les opérations de recensement étant terminées, 400 chevaux P.S. Arabes furent inscrits au Stud-Book.

Aux dernières nouvelles (89 et 90), un élevage étatique de type européen était en projet. S'il en est ainsi, c'est une bien mauvaise nouvelle. Nous savons tous qu'il est mille plus souhaitable de laisser les bédouins continuer leur élevage selon leurs méthodes traditionnelles...

Malheureusement, les occidentaux et leurs imitateurs élèvent d'une façon telle, que le Pur Sang Arabe, le vrai, va peut-être disparaître... pour être remplacé par cet « arabe occidental » : ventru, lymphatique, énorme et paresseux, que l'on traîne dans les championnats de beauté au bout d'une longe !

Dr S. CATAHIER

N.D.L.R. : avec l'auteur de ces lignes, Cheval Libre ne peut que regretter une telle évolution, et souhaite pouvoir participer activement à la sauvegarde de l'élevage nomade.

Dernière minute : Un récent recensement en Syrie fait état de 569 pur-sang arabes - 100 foals ont été enregistrés en 1989. 2 chevaux ont été importés. Aucune exportation n'a eu lieu car c'est interdit. On continue à élever le type désertique de ce cheval, et soigneusement. Bientôt l'exportation sera autorisée. Ainsi la Syrie sera une source de pur-sang arabe du désert tel qu'il a toujours été. (Serge Catahier) - Cheval libre, n°7 AVRIL 91.)


ANNEXE 3

L'ÉLEVAGE BÉDOUIN DU PUR SANG ARABE EN TUNISIE

par M. J. CL. RAJOT - Éleveur - TOURNUS - 71 - qui en 1989 a fait une étude sur le terrain.

En Tunisie, dans le sud du pays, zone des steppes, à la limite du désert, la tradition, l''amour ancestral que les populations vouent au cheval, les conditions d' élevage, le climat, le terrain, font que les chevaux mènent une vie très proche de celle du berceau d'origine.

Chaque propriétaire possède une jument, voire deux ou trois au maximum, pour les plus aisés.

Les sujets ont conservé les caractéristiques de la race : un format dense, doté d'une grande étendue dans leurs rayons, un cachet de race évident et surtout un influx nerveux et une trempe rares.

La ration d'orge n'est donnée qu'une fois par jour, le soir ; ainsi que la boisson. Les chevaux passent toute l'année dehors, entravés, ou plus fréquemment attachés parc un collier de chanvre prolongé par une corde de cinq à six mètres, à côté de l'habitation, de la tente, ou dans la cour. A notre grande surprise, les blessures d'entraves, fréquentes ailleurs, n'existent pas. Ces populations vivant intimement la vie de leurs chevaux prennent naturellement les précautions indispensables.

La région de MAKNASSY (1) ... est celle où le nombre d'éleveurs est le plus important et où les chevaux sont les plus prôches  de par leur type et leurs qualités des pur-sang arabes orientaux.

La nature du sol y est idéale, ferme et souple à la fois, l'air sec et léger, fait que même après les galops les plus vifs, les chevaux ne transpirent jamais, à peine sont-ils mouillés sous la selle. Le climat est à ce point tonifiant que les coursiers claqués et abimés qui y descendent (2) du nord y guérissent en des temps records. Et puis l'espace a pour effet premier de griser les montures ; aussitôt leurs cavaliers en selle, ces chevaux redressent la tête pointent les oreilles et marchent indéfiniment, et à quelle allure. C'est pour nous occidentaux, une sensation tout à fait originale.

Les éleveurs sont parfaitement conscients de l'originalité et de la valeur de leurs productions... et en sont fiers.

NOTES :
(1) De Maknassy, dans la basse steppe, et de Feriana, dans la haute steppe.
(2) A Tunis, sur l'hippodrome de Ksar Said plus de 200 épreuves de P.S. arabes sont courues chaque année. C'est le plus grand centre de courses arabes du monde.


ANNEXE 4

1 - RIHYA à M. DELEAU



2 - BAROUD III à Mme KOCH


3 - MOULOUKI à M. BEILLARD


4 - COMET ... (polonais)





ANNEXE 5

L'ÉLEVAGE DU PUR SANG ARABE EN ALGÉRIE

La Jumenterie de Tiaret, en Algérie (Hautes steppes) fondée en 1874, est l'un des plus anciens Haras d'élevage du cheval arabe en Occident (Maghreb) !

Citons quelques "sires" du "désert" qui ont tracé à Tiaret. Et d'abord :

- Venture, importé du Liban qui fit merveille avec les fameuses juments tête de famille : Olympe et Primevère (Mauvy R. Le cheval de pur sang arabe - Paris - 1964).
- Sidi Galber, né en Orient, importé en 1909
- El Nil, né en Orient, importé en 1909
- Ghazy, né en Orient, importé en 1909, presque toutes les juments nées à Tiaret (en) descendent (Mauvy, op. cit.)
- Chérine, né en Syrie en 1903, importé en 1914 : suait la race avec sa fort jolie tête, sculptée, concave (-) son port d'encolure et de queue (ibidem op. cit.) - Chérine est le père de Guénina, née en 1924 à Tiaret, exportée en Pologne. Elle devint l'une des juments bases du Stud book Polonais (Cheval arabe en Pologne, Animez, Polska, SD, 1975). L'étalon Comet, né en 1953, et déclaré le plus fameux étalon arabe né en Pologne (ibidem, op. cit.) possède dans son pédigree, Guénina comme quatrième mère de la lignée paternelle (annexe 4/4). Dans ce même ouvrage, on note que la XXVII lignée du SB polonais descend de Chérifs - ar.or -importée de Tiaret - Algérie (op. cit.)

Revenons aux étalons :

- Safita - né en Syrie - importé en 1920 ... une encolure exceptionnelle ... sa gorge arquée était d'une rare netteté ... l'arrière main d'une puissance exceptionnelle ... ses crins ... d'une très grande finesse ... (quant à ses allures) libre ou monté, il volait ! (Mauvy, op. cit.).
- Bango - né en Orient 1923 (SBFT.M) de race Managhi Sbeïli de la tribu des Shammars - Importé en 1928 - surnommé l'élégant, fut le cheval dominant de la mission en Orient de 1928. Tous les Bango galopaient dur ... avec un chic qu'on disait tout à fait à la Bango (Mauvy op. cit.). Avec lui émigrèrent d'Orient en Algérie (Tiaret) : El Managhi - né en Orient en 1923 Le Sérieux" El Obayan - né en Orient en 1924 - importé en 1928. En 1936 arrive à Tiaret : Temlak, né en 1930 son père est un managhi-sbeïli, sa mère un obayan Akkar (SBF) (op. cit.)
- En 1938 on remarque à Tiaret la naissance de Beyrouth. Il a le pédigrée le plus prestigieux : Par Bango et Primerose par El Managhi (SBF op. cit.).
- En 1945 la dernière mission dans le Berceau ramène à Tiaret : Ghalbane, né en Orient en 1941, son père de race Sagiaoui Gedran, sa mère de race Hamdani Samri (SBF op. cit.).
- Masbout, né en Orient en 1941, par père et mère de race Saglaoui Gedran (SBF op. cit.).

Ces Sires et ces Dames ont acclimaté en Algérie la race de l'Arabe pur de Syrie : le pays du berceau. Aujourd'hui, en 1993, on peut voir galoper leurs descendants, toujours aussi purs, toutes les semaines de la saison hippique, sur les champs de courses d'Algérie. L'auteur les a vus avec enchantement le 24 Juin à Barika dans le Hodna, sous un vent du Sahara. On peut aussi les admirer à Laghouat ... La porte du Grand Désert. Ainsi est réalisé le souhait fait en 1853 par J. Mazoillier, ancien consul en Syrie (Les chevaux arabes de la Syrie - Paris 1853) (op. cit.) : « Quel beau haras de chevaux arabes ne pourrait-on faire en Algérie ? Quel meilleur père que le Sahara pourrait-on trouver pour ces jeunes fils du désert ? ».


ANNEXE 6


[Texte non relu après saisie - 14.XI.2010]


TABLE - LIVRE I - LIVRE  III (fichier PDF-22 Mo)


ACCUEIL   -   SOMMAIRE   -   JOURNAL DES NOUVEAUTÉS   -   BIBLIOGRAPHIE