Denis Bogros
(1927-2005)

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Les chevaux des Arabes
(1978)

Chapitre 7
Le florilège du cheval arabe


Je dis à mon coursier,
alors que les lances frappaient les lances
- Fais attention ! éveille-toi ! ne t'endors pas !
Et mon généreux coursier me répondit :
- Ne t'inquiète pas de moi, je suis de race ;
sois seulement mon cavalier.
Anonyme.

Et le Prophète n'a cessé de répéter :
« Celui qui possède un cheval arabe et l'honore,
Dieu l'honorera.
Celui qui possède un cheval arabe et le méprise,
Dieu le méprisera. »
Émir ABD EL-KADER
« Les Chevaux du Sahara »


La centième sourate du Coran. Le Livre sacré de l'Islam

« J'en jure par les coursiers haletants,
Par les coursiers qui font jaillir des étincelles sous leurs pieds,
Par ceux qui attaquent les ennemis au matin,
Qui font voler la poussière de leurs pas,
Qui se frayent un chemin à travers les colonnes ennemies,
En vérité l'homme est ingrat envers son Seigneur... »
Traduction de WACYF BOUTROS GHALI

Citations de vers de célèbres cavaliers connus de toute l'Arabie aux temps du paganisme

D'après Wacyf Boutros Ghali

« Avance Mihay, c'est un jour d'épouvante. Un homme comme moi sur un [cheval] comme toi, [attaque et défend. » MALEK BEN EL-NASRI

« Quand j'attaque, ma jument se précipite dans le camp ennemi, comme si elle allait y chercher son fils ou le mien. » ZAID BEN SIMANE et sa jument Wagza

« A nous deux, à quoi ne pouvons-nous pas prétendre ? » AL-AKNASS BEN CHAHAB à sa jument Zyamou

« Al-yassir et moi, pour les grandes choses nous nous complétons. » ABOLI NADIR et son cheval Yassir

« Dans la mélée, au péril de ma vie je le protège, de même que dans la nuit il veille sur moi et me protège. » AL MONZIR et son cheval Al-Arime

« Mon coursier jamais ne s'élance sans que derrière lui de l'éclat de ses sabots jaillisse l'éclair. …… Il s'immole pour moi, et pour lui également je me sacrifie au jour du combat. » ANTARA

« Au péril de ma vie j'éloigne de lui la mort et lui me préserve des lances.
Si je succombe, voici l'héritage que je laisserai : Un généreux témoin de mes généreux exploits. » UN HOMME DE KORAYCH

« Je lui dis : Dirham, si tu atteins les fuyards, tu me seras plus cher et je te tiendrai en plus haute estime que mon fils Bodjar. » KADACHBEN ZOHEIR

La Moallakah d'Ibn Kultum

« Aux jours des combats, nous montons des chevaux au poil fin et ras, des chevaux dont la noble origine nous est connue, nés et sevrés chez nous, par nous enlevés à l'ennemi qui nous les avait enlevés. Ces nobles coursiers sont l'héritage, que nous ont laissé nos pères aux vertus généreuses, et, à notre mort, ces coursiers seront l'héritage que nous laisserons à nos enfants. » Traduit par PERRON dans LE NASERI

La Moallakah d'Imrul-Kais

«… A l'aube du jour quand l'oiseau est encore dans son nid je pars sur un coursier au poil ras, au pied leste et léger, à l'élan plus vite que l'élan des bêtes sauvages, coursier robuste et puissant. Coursier parfait à la charge, à la retraite, à la poursuite, à la fuite ; c'est un quartier de roc que d'une hauteur lance le torrent. Alezan brillant, la selle lui glisse incertaine sur son dos poli, comme glisse la pluie sur la face polie de la pierre. Maigre, ardent, il semble lorsque le feu le transporte, qu'il bouillonne comme la chaudière sur un brasier. Il vole encore, il vole léger, alors que les plus rapides coursiers las et brisés après leur course fournie, font jaillir une poussière épaisse du sol ferme et dur qu'ils battent de leurs pieds alourdis. … Il a le flanc sec et fin de la gazelle, la jambe osseuse et haute de l'autruche, le trot dégagé et facile du loup, le galop juste et battant le pied sur la trace de la main comme le jeune renard à la course. De fortes côtes lui charpentent une large poitrine, vue par-derrière sa queue luxuriante et touffue remplit l'intervalle des jambes, presque jusqu'à terre, tombant droite et parfaite. Pendant l'élan de la course, son dos durci semble être une de ces pierres polies sur laquelle la fiancée broie ses parfums, ou sur laquelle on brise la coloquinte. … L'oeil peut à peine embrasser d'un seul coup toutes les beautés de mon coursier ; à peine le regard a-t-il admiré la tête que l'on se hâte, d'enthousiasme, à lui admirer les jambes. »
Traduit par PERRON dans LE NASERI

La Moallakah d'Antara

« .., moi, je passe mes nuits sur le dos de mon coursier toujours bridé. Mon lit, c'est la selle de mon cheval, aux jambes pleines et solides, aux flancs fournis, à la poitrine superbe et puissante. » D'après PERRON

« Ils appellent Antara tandis que les lances, semblables à des cordes à puits, se plongeaient dans le poitrail d'Adham. Son poitrail saignait et de nouveau les cavaliers ennemis fonçaient sur nous. Et de nouveau je leur fis face avec le poitrail de mon cheval qui fut couvert comme d'une housse de sang. Atteint de mille coups, il a tourné vers moi un oeil humide de larmes et a poussé un faible hennissement. S'il eût pu s'exprimer, il se serait plaint ; aurait-il su parler, qu'il m'aurait confié sa peine. »
Traduction de WACYF BOUTROS GHALI

Poésies d'Imrul-Kais

Sur sa jument Mutagarib : « Elle est gaie et alerte et son galop de course ressemble, au pétillement de branchages enflammés. »

Sur le cheval Barbe, [Imrul-Kais s'adresse au César empereur de Constantinople] : « Et je t'en réponds, si je viens à être rétabli Roi, nous ferons une course où tu verras le cavalier se pencher sur la selle pour augmenter la vitesse du cheval ; une course à travers un espace foulé de tous côtés, où l'on voit d'autres éminences pour diriger les voyageurs, que la bosse d'un vieux chameau nabathéen chargé d'années et poussant de plaintifs mugissements. Nous serons, te dis-je, portés sur un cheval habitué aux courses nocturnes, un cheval de race berbère ; Aux flancs sveltes comme un loup de Gada ; un cheval qui presse sa course rapide, et dont on voit les flancs ruisseler de sueur. Lorsque, lâchant la bride, on l'excite encore en le frappant avec les rênes de chaque côté, il précipite sa course rapide, portant sa tête sur ses flancs et rongeant son mors. Et lorsque je dis : reposons-nous, le cavalier s'arrête, comme par enchantement, et se met à chanter, restant en selle, sur ce cheval vigoureux, dont les muscles des cuisses sont allongés et les tendons secs et bien séparés. »

D'après l'émir ABD EL-KADER (Les chevaux du Sahara, général Daumas)

Quelques vers d'Ismail ibn Ali
[géographe, poète, humaniste syrien du XIVe siècle - connu sous le nom d'Aboulféda]

« Ô le beau coursier! avec lui je pourrais me dérober à l'influence du destin, soit pour atteindre le bien, soit pour éviter le mal. Il est comme le soleil, il ne s'est pas plutôt montré à l'Orient, que l'éclat qui rejaillit de son corps se répand jusqu'à l'Occident. »

Quelques vers de l'émir Abd el-Kader
[Les Chevaux du Sahara. Au chapitre DES RACES]

« La queue ressemble au voile de la fiancée.
Semblable à une belle coquette qui louche à travers son voile,
Son regard tourné vers le coin de l'oeil perce à travers la crinière,
Qui, comme un voile, lui couvre le front.
Chacune de ses narines ressemble à l'antre du lion,
Le vent en sort quand il est haletant. »
                        
[Au chapitre CHOIX DES CHEVAUX]

« Il a les flancs de la gazelle,
Les jambes de l'autruche femelle,
Le dos droit de l'âne sauvage en vedette sur un mamelon.
Sa croupe, ressemblant à un tas de sable que l'humidité a rendu compact, Correspond à un garrot s'élevant au-dessus du dos,
Comme le bât du chameau qui retient la litière. »

[Extrait de L'ÉLOGE DU DÉSERT]

« Et nos chevaux, est-il une gloire pareille ?
Toujours sellés pour le combat ;
A qui réclame notre secours,
Ils sont la promesse de la Victoire.
Nos ennemis n'ont point d'asile contre nos coups car nos coursiers,
Célébrés par le Prophète, fondent sur eux comme le Vautour.
Nos coursiers sont abreuvés du lait le plus pur ;
C'est du lait de chamelle, plus précieux que celui de la vache. »

Nous arrêterons là ce modeste florilège car nous ne nous cachons pas que ces poèmes ne peuvent transmettre totalement leur message, traduits en français dont le Verbe et le rythme sont si différents du Verbe et du rythme de la langue du Coran ! Tel qu'il est cependant, il témoigne, auprès de ceux qui ont un peu de cœur, de cet amour extraordinaire de l'homme pour le cheval qui est apparu et s'est exprimé une seule fois en ce monde, dans la société bédouine.

Devenus cavaliers, ayant écrit l'une des plus belles pages de l'histoire des peuples cavaliers qui dominèrent le monde connu, du Ve au XIVe siècle, les Arabes possédant une des plus belles langues véhiculaires, n'ont pas célébré le cheval seulement en poèmes.

Ils l'ont décrit avec une précision extraordinaire, et leurs savants du Moyen Age, ont su définir le cheval noble avec une perfection, et une rigueur, que n'ont pas atteint nos hippiatres modernes.

Nous allons étudier les écrits de ces maîtres dans le prochain chapitre.




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